lundi 2 janvier 2017

Calcite bleue et orangée le long de l'autoroute 5, Chelsea et Wakefield, QC (MàJ)


Intrusion de calcite rose. Wakefield, QC, autoroute 5, juillet 2016.


Localisation

SNRC 31G/12
Autoroute 5, Chelsea et Wakefiled (Québec) ; nouvelle section N.

Note

Le sujet de cette mise à jour - l'origine de filons de calcite recoupant des roches calco-silicatées et des gneiss de l'autoroute 5 à Chelsea et Wakefield, QC - a déjà été l'objet de plusieurs billets. Je n'en reprends pas ici l'exposé, veuillez consulter les billets suivants :
Voir aussi :
  • Billets (4) sur le prolongement de l'autoroute 5 (suivre les liens d'un billet à l'autre à partir de celui du 6 janvier 2010).
Un petit mot cependant sur le contexte géologique ; les roches de Chelsea et Wakefield font partie de la province de Grenville (plus d'un milliard d'années) du Bouclier canadien : batholite de syénite-diorite de Wakefield, métasédiments du groupe de Grenville (marbre et roches calco-silicatée, paragneiss, quartzite). Du granite, des pegmatites recoupent le tout, ainsi que des filons ou dykes de calcite.


Il y a du nouveau dans le dossier des intrusions (filons, dykes ou poches) de calcite orangée dans les roches métamorphiques et plutoniques de Chelsea et de Wakefield, le long de l'autoroute 5.

D'abord, un article parus dans Rocks & Minerals (Bellay, Picard et al., 2016). Il est amusant (de mon point de vue) de voir les auteurs afficher une perplexité au moins égale à la mienne quand à la nature exacte de ces dykes de calcite :


«Some researchers (Sinaei-Esfahani 2013; Schumann and Martin 2016) suggest that the calcite veins and pods at Highway 5 are carbonate intrusives derived from local melting of regional marble related to influx of a mixed crustand-mantle-derived alkaline fluid, a hypothesis propounded to be supported by carbon/oxygen isotope and textural evidence. Although it is strongly possible that some degree of local calcite melting occurs at these metamorphic conditions (see Lentz 1999), the evidence presented in the studies could just as easily be interpreted as metamorphic and/or metasomatic, but this is beyond the scope of this article.» (Bellay, Picard et al., 2016, p. 560.)

C'est, en peu de mots, résumer toute la question. Déjà, d'autres études en étaient arrivés à la conclusion que les filons de calcite étaient des carbonatites dérivées de la fusion du marbre local au contact de fluides magmatiques d'origine profonde (voir aussi Martin et Sinai, 2012 ; de Fourestier, 2008 : billet du 6 nov. 2012). Cependant, la théorie la plus favorisée reste celle d'une origine métasomatique par interaction des paragneiss avec les abondants marbres régionaux. Ces interactions auraient conduit à la formation de roches calco-silicatées (ou skarns). La calcite résiduelle (marbre), plus ou moins mobilisée, se serait injectée ou concentrée en filons ou en masses informes. (Voir billet du 18 févr. 2012.) Selon Sinaei-Esfahani (2013), les filons de l'A5 sont datées de 980-1020 millions d'années.

(Et voilà que je suis en train de faire ce que j'avais justement affirmé ne pas vouloir faire : un exposé du problème. Il est difficile de savoir à partir de quel point les informations cessent d'être nécessaires pour devenir superflues.)

Ensuite, un compte-rendu de conférence (Schumann et Martin, 2016) qui traite d'un marbre bleu (calcite bleue) intriguant (Sinaei-Esfahani, 2013). Le titre de la conférence est sans équivoque : «Blue calcite in the Grenville Province: Evidence of melting» :


«There are indications that marble can melt in a post-collision tectonic environment like that in the Grenville province. Regionally developed temperatures and pressures are estimated to have been at least 750̊C and 7–8 kilobars in the Gatineau Park area, north of Ottawa (Canada). Our attention was focused on occurrences of blue marble along Highway 5, close to Old Chelsea and Wakefield, Quebec.» (Je passe les considérations très techniques pour en arriver à la conclusion des auteurs que le marbre bleu provient d'un «silicocarbonatitic melt of crustal origin».)

Alors, calcite d'origine métasomatique ou carbonatitique ? Dans les deux cas, les marbres locaux apportent l'élément prépondérant : la calcite. Tenter de conclure est au-delà des prétentions de ce blogue...

Et comme ces filons de calcite vieux d'un milliards d'années sont répandus de Mont-Laurier, QC, à Bancroft, ON (billet du 18 févr. 2012), le débat dépasse le cadre des territoires de Chelsea et de Wakefield.


Références

  • Philippe M. Belley, Michel Picard, Ralph Rowe & Glenn Poirier (2016). «Selected Finds from the Highway 5 Extension: Wakefield Area, Outaouais, Québec, Canada», Rocks & Minerals, 91:6, 558-569, DOI: 10.1080/00357529.2016.1217473 Lien : http://dx.doi.org/10.1080/00357529.2016.1217473
  • Dupuy, H., 1989, Géologie de la région de Wakefield-Cascades. Ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles, Québec, MB89-18, 1989, 14 pages, avec 1 carte (1/20 000).
  • Fourestier, J. de, Mineralogy of the Autoroute 5 extension, Chelsea, Quebec, Canada, 2008, rapport inédit.
  • Lentz, D. R. 1999. «Carbonatite genesis: A reexamination of the role of intrusion-related pneumatolytic skarn processes in limestone melting», Geology 27:335–38.
  • Martin, R.F. and Sinai, F. 2012. «Rheomorphic fenite and crustal carbonatites: new complications in the Grenville crust, Old Chelsea area, Quebec», abstract in Geological Association of Canada–Mineralogical Association of Canada, St. John’s 2012, Program with Abstracts, v.35, p.85.
  • Schumann, D., and R. F. Martin. 2016. «Blue calcite in the Grenville Province: Evidence of melting». Abstracts with program, Geological Society of America Annual Meeting, March 2016. Available online: https://gsa.confex.com/gsa/2016NE/webprogram/Paper272356.html.
  • Sinaei-Esfahani, F. 2013. Localized metasomatism of Grenvillian marble leading to its melting. MSc thesis, Department of Earth and Planetary Sciences, McGill University, Montreal. Lien : http://digitool.library.mcgill.ca/thesisfile117148.pdf



Roche hôte recoupée par des filons ou dykes felsiques rouge sombre ou orangés ; le tout est recoupé par un filon-dyke tardif de calcite d'un orangée plus clair (au centre). Wakefield, QC, autoroute 5, juillet 2016.


Mise à jour (7 nov. 2018)



Skarn (ou plutôt silicarbonatite d'origine crustale, pour utiliser la terminologie des auteurs cités) à calcite rose-saumon et apatite verte, mine Yates, près d'Otter-Lake, dans la municipalité régionale de comté de Pontiac, Qc. Photos : Darryl MacFarlane (à gauche) et John Betts (à droite), dans Schumann et Fourestier, 2017.



Nouvelles publications sur le sujet

(Ce qui suit est un résumé, en termes très peu techniques, pour mon usage personnel. Il exprime l'état de ma compréhension des choses ; pour des avis plus autorisés, voyez les travaux originaux - dans « Références », plus bas.)


Les « skarns » - silicarbonatites d'origine crustale dans la terminologie des auteurs - se sont mis en place dans la province de Grenville il y a un milliard d’années (998 et 1015 Ma : datation mine Yates à Otter Lake), durant une période d’accalmie qui a suivi un paroxysme tectonique. Le détachement (délamination) de la partie inférieure de croûte épaissie aurait favorisé une remonté de l'asthénosphère chaude. Le « fluxed silicacarbonatitic melt » à l'origine des « skarns » serait le résultat de la cristallisation de magmas générés par fusion partielle (anatexie) de la base de la croûte résiduelle. Tant le marbre que les gneiss profonds auraient contribué à la génération de magmas carbonatés et silicatés contemporains - dont les résultats sont les « skarns » et les omniprésentes pegmatites granitiques aujourd'hui observés. Les « skarns » ne seraient donc pas des... skarns, du moins au sens strict, c’est-à-dire le résultat du métamorphisme de contact entre un corps carbonaté et une roche magmatique, mais des carbonatites crustales - par opposition aux carbonatites mantelliques. « Rather than being part of the skarn, we interpret the pyroxenite as a cumulate formed of crystals than sank in the silicocarbonatitic melt. » (Martin, Schumann et Fourestier, 2017)


(D’un point de vue strictement personnel, ne tenant pas à m’immiscer dans un débat entre spécialistes, la nature grossière et massive de nombreux skarns (qu'importe le nom qu'on leur donne) et la présence de phénocristaux géants (par ex. d'apatite dans la calcite, voir photo) les rapprochent davantage des roches intrusives filoniennes, comme les pegmatites granitiques, justement, que des roches métamorphiques normales du voisinage, marbre et gneiss. Ces dernières, en effet, sont d’une granulométrie plus fine et d’une structure habituellement orientée (foliée ou rubanée).


Références
  • F. Martin, Robert & Schumann, Dirk & Fourestier, Jeffrey de. (2017). Globules of fluxed silicocarbonatitic melt at Otter Lake, Quebec: A new complication in the Grenville Province. Conference: GAC-MAC Kingston 2017, At Kingston, Ontario, Canada, Volume: Technical Program T2: The Metamorphic Architecture of Orogenic LIEN
  • F Martin, Robert & Schumann, Dirk & Fourestier, Jeffrey de. (2017). THE CLUSTERS OF ACCESSORY MINERALS IN GRENVILLE MARBLE CRYSTALIZED FROM GLOBULES OF MELT. Geological Society of Sri Lanka Public Lecture Series 2017, DOI:10.13140/RG.2.2.16937.85601 LIEN
  • F Martin, Robert & Schumann, Dirk & Fourestier, Jeffrey de. (2017). The clusters of accessory minerals in Grenville marble crystallized from globules of melt. Geological Society of Sri Lanka Public Lecture Series 2017, DOI:10.13140/RG.2.2.16937.85601 LIEN
  • Schumann, Dirk & F. Martin, Robert & Fourestier, Jeffrey de & Fuchs, Sebastian. (2017). Silicocarbonatite melt inclusions in fluorapatite from Otter Lake (Quebec): Evidence of carbonate melts in the Central Metasedimentary Belt of the Grenville Province. Conference: GAC-MAC Kingston 2017, At Kingston, Ontario, Canada, Volume: Technical Program T2: The Metamorphic Architecture of Orogenic Belts LIEN

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