mardi 7 avril 2015

Presque cinquante blocs de grès


Ruines et monument de la maison du colonel By à Ottawa, Major's Hill (parc Major). Photo 5 avril 2015.


Résumé

Tentative sans prétentions scientifiques d'évaluer la nature des blocs du till glaciaire du centre-ville d'Ottawa à partir des pierres ayant servi aux fondations de la maison du colonel By, construite à la fin des années 1820.
Autres billets connexes
19 nov. 2014, «Les chemins des erratiques», et suivre les liens vers d'autres billets


«La maison du Colonel By, qui était située sur Major's Hill* [...] à Bytown [Ottawa], a été la résidence officielle de cet ingénieur qui supervisait les travaux de construction du canal Rideau [1826-1832]. [...] La maison a été détruite par les flammes en 1849. [...] L'emplacement exact de la maison a été un mystère pendant plus de 100 ans jusqu'en 1972 lorsque l'historienne Dr. Mary Burns a effectué des recherches archéologiques pour la Commission de la Capitale Nationale.» Adapté de Wikiki. Voir la page du site de la Commission de la capitale nationale (CCN) consacrée Major's Hill.

* L'appellation populaire est «parc Major».

1826, c'est le début des travaux du canal Rideau, c'est aussi le tout début de l'histoire de la ville d'Ottawa (d'abord Bytown, un simple village, avant de devenir Ottawa en 1855), le terrain était vierge, on s'affairait à construire le canal Rideau qui allait réunir le Saint-Laurent à l'Outaouais. Dans ces conditions, je présume que, lorsqu'il a été question d'ériger la maison du superviseur des travaux, le colonel By, on s'est contenté des roches qui tombaient sous la main dans les alentours immédiats, dans un sol non encore bouleversé par l'occupation humaine. (La maison est au sommet d'une cuesta dont le front domine la rivière du haut de ses quelques 35 m.) De fait, un examen rapide des vestiges des fondations montre qu'il y a un peu de tout : des gneiss et des granites du Bouclier canadien, lequel se trouve à moins de 7 km au nord, du calcaire et d'autres roches sédimentaires on ne peut plus locales.

Parmi celles-ci, des blocs de grès, minoritaires, mais en quantités non négligeables. La majorité de toutes ces pierres sont des blocs erratiques apportés par les glaciers. Quelques blocs de calcaire ont sans doute été prélevés des affleurements qui abondent autour. 

Cette restriction mise à part, on a de bonnes raisons de croire, en tout cas de supposer légitimement, que les pierres des fondations offrent un échantillonnage assez représentatif des pierres du till glaciaire local tel qu'il était à cet endroit avant que l'urbanisation ne bouleverse tout.

J'ai donc compté les pierres une à une, histoire d'en savoir plus sur ce till local.


Pierres des fondations de la maison du colonel By au parc Major

    (Décompte initial supprimé ; les blocs sont actuellement en recomptage. Disons simplement pour l'instant qu'un examen rapide m'a permis de répertorier 48 blocs de grès parmi les 600 et quelques blocs des fondations. Même en me supposant un taux d'erreur énorme dans l'identification des roches (pour le nombre total de blocs, la marge d'erreur ne doit pas être énorme), la proportion de grès reste sans commune avec celle de l'Île-de-Hull*.)

* Il faut avouer que les conditions du décompte initial (5 avril 2015) n'étaient pas idéales. Pour ne pas trop attirer l'attention – le parc est un endroit très passant – je me suis contenté de compter les blocs en tournant autour des six moignons plus ou moins réguliers qui subsistent des fondations, les mains dans les poches. Le résultat du premier décompte est donc approximatif dans la mesure où certains blocs ont sans doute été compté deux fois, d'autres, pas du tout... De même, l'identification des roches s'est faite de manière purement visuelle. Il n'était pas question d'entretenir en public un tête-à tête-trop étroit et trop prolongé avec chaque bloc, ni de tester sa dureté. Il s'agit de ruines historiques, interdiction de rayer les pierres pour juger de leur dureté et de leur composition, par exemple. Bref, mes résultats étaient et sont encore approximatifs, mais je pense qu'ils sont quand même globalement justes.

J'ai déjà signalé la grande rareté du grès de Nepean dans le till glaciaire de l'Île-de-Hull (d'après les blocs sur les pelouses, l'examen d'excavation et un repérage des roches ici et là, voir le billet du 19 nov. 2014, lien plus haut). Cinq blocs erratiques de grès pour toute l'Île à ce jour - et encore, je ne peux garantir qu'ils sont tous «d'origine» et que certains n'ont pas été déménagés pour garnir une pelouse ou un parc. Remarquez que je n'ai pas ratissé toute l'Île et que mon recensement n'a aucune prétention scientifique.

N'empêche que les ruines de la maison By sont beaucoup plus riches en grès, en nombre absolu et en proportions, que toute l'Île-de-Hull.

Est-ce que les constructeurs de la maison ont favorisé le grès, roche dure ? Je ne crois pas, si l'on tient compte du grand nombre de calcaire friable et fissible et friable que j'ai vu. L'impression, je me répète, est qu'ils ont pris ce qui leur tombait sous la main.

S'il y a tant de grès à Ottawa, pourquoi boude-t-il l'Île-de-Hull ? Le parc Major est à l'est de l'Île, à la même distance que celle-ci des sources potentielles de grès, au nord de Gatineau. Le till glaciaire ne devrait montrer aucune variation à ces endroits.


Détail modifié de la carte de Sandford et Arnott, 2010. 
Certains éléments de la cartes sont décrits dans d'anciens billets (voir liens au début du présent billet).Légende très simplifiée
Précambrien ; province de Grenville du Bouclier canadien, plus d'un milliard d'années
  • Blanc : roches métamorphiques et plutoniques.
Plate-forme du Saint-Laurent ; Cambro-ordovicien et Ordovicien, ca 515-445 millions d'années
  • Jaune : grès de Nepean. Orangé, teintes de bleu et de gris: calcaire, dolomie, grès et shales.
Lignes noires : failles.

Annotations (H. Lessard, 15 nov. 2014, 6 avril 2015)
Flèches noires : trajectoires des glaciers (NW-SE ou N-S) ; CB : maison du colonel By ; G : rivière Gatineau ; O : rivière des Outaouais ; 1. Affleurement de gneiss signalé par Hogarth (1970) ; 2. bloc erratique de grès du parc de la Gatineau ; 3. Source possible du bloc du point 4 (Île-de-Hull) en supposant un mouvement des glaces plein sud ; 4. Blocs erratiques de grès de l'Île-de-Hull.
Remarques. – Plusieurs blocs de grès sont visibles dans l'Île-de-Hull ; par commodité, ils sont tous représentés par le point 4 sur la carte, l'échelle rendant inutile un surcroît de précision. Les flèches qui partent des points 1 et 3 ne dessinent que quelques trajets possibles parmi tous ceux qui, venant du nord ou du N-W, ont pu aboutir aux points 2 et 4. Strictement parlant, la direction N-S (flèche entre les points 3 et 4) n'a été enregistrée que dans la partie est du secteur représenté ici. J'extrapole peut-être un peu en supposant ce mouvement possible à partir du point 3. Les erratiques du point 4 proviendraient plus probablement des alentours des points 1 et CB (mouvement vers NW-SE).
* Liens plus haut, au début du billet.


Références
  • Hogarth, D.D., 1970, Geology of the southern part of Gatineau Park, National Capital Region, GSC, Paper 70-20, 8 p., map 7-1970.
  • Sanford, B.V. et Arnott, R.W.C., Stratigraphic and structural framework of the Potsdam Group in eastern Ontario, western Quebec, and northern New York State, Commission géologique du Canada, Bulletin 597, 2010, 83 p. (+ cartes)


Angle SW des fondations la maison du colonel By, parc Major. Photo 5 avril 2015.


Détail des ruines d'un pan des fondations la maison du colonel By, parc Major. Photo 5 avril 2015.


Mêmes ruines, autre morceau. Il y a un peu de tout. En vrac : granite, gneiss, calcaire et grès... Photo 5 avril 2015.

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