samedi 5 octobre 2013

Grès de Nepean à Gatineau : safari-photo



01. Nous voilà prévenus !...


Résumé. – On parle ici d'un escarpement, parc de l'Oasis, près du boul. de l'Hôpîtal, à Gatineau (Québec), dans le grès de Nepean (Paléozoïque, 500 millions d'années), de blocs erratiques déposés à la fin de la dernière glaciation (12 000 ans), de la mer de Champlain (12 000 - 10 000 ans) et du proto-Outaouais (10 000 - 5000 ans). Ce billet est une suite (liens plus bas). 
Voilà, c'est tout. Plus long, ça ne serait plus un résumé, mais un exposé.

Sauf indication contraire : toutes les photos, 28 sept. 2013.


Habituellement, je fais en sorte que chacun des billets du blogue soit indépendant, autant que faire se peut quand il s'agit d'une série consacrée au même site. Cette fois-ci, j'y renonce. La lecture des billets des 14 et 26 septembre est nécessaire à la pleine compréhension du safari-photo que je vous présente aujourd'hui. Il est inutile que je m'attarde ici à redire en de nouveaux mots ce que j'ai déjà dit sur le grès de Gatineau (grès de Nepean, pour vous donner son nom officiel) et d'expliquer le contexte général qui fait l'intérêt du parc de l'Oasis. Reportez-vous aux premiers billets, notamment pour les cartes :




02. L'escarpement du parc de l'Oasis, vu du boul. de l'Hôpital. Le grès discrètement, rouille dans l'ombre. C'est déjà un miracle que personne n'ait pensé à bétonner le roc. (Photo 15 juin 2011.)



03. Parc de l'Oasis (partie sud) ; la boussole donne le nord, à droite. Partout, les glaciers ont poli le grès, pas au point d'effacer leurs propres traces. Les stries glaciaires indiquent que la glace s'est écoulée du NW vers le SE (du coin supérieur droit vers le coin inférieur gauche de la photo).



04a. Parc de l'Oasis. Le grès de Nepean (ainsi nommé d'après la localité type, à l'ouest d'Ottawa), après tout, n'est que du sable cimenté sous l'eau il y a 500 millions d'années. Des galets anguleux de quartzite provenant du Bouclier canadien, emprisonnés dans la matrice sableuse, ont eux aussi été arasés par les glaciers.



04b. Parc de l'Oasis. Lits de galets enfouis sous les couches de sables ultérieures (en haut et en bas ; les galets sont blancs ou gris). Évaluer la force des courants nécessaires à déplacer ces gros morceaux de roche.



05. Parc de l'Oasis. Tout le long de l'escarpement, le grès est faillé et crevassé. Les crevasses principales, longues de plusieurs m, sont parallèles au rebord de l'escarpement. Les cassures sont «récentes» (ne me demandez pas de préciser davantage) et présentent des arêtes anguleuses. Les failles s'agrandissent, des quartiers de grès se détachent, glissent et penchent vers l'ouest (voir fig. 07). Sur des photos aériennes datant de 1965 alors que tout le secteur était agricole, les crevasses étaient déjà présentes. Ceci leur donne un âge minimum ; elles datent sûrement de plus longtemps.



06. Parc de l'Oasis. Bloc de granite (ou de gneiss granitisé, la surface altérée ne permet pas d'être très affirmatif), presque englouti par une fracture ouverte sous lui. Le même bloc a été (mieux) photographié par Alain P. Tremblay (voir la fig. 2 du billet du 26 sept., lien plus haut).



07. Nord du parc de l'Oasis. Quartier de grès détaché de la falaise, mais demeuré debout. La surface originelle, à gauche (ouest), longuement exposée aux éléments, a été météorisée et l'érosion différentielle a fait ressortir la succession des lits sableux. 



08. Champ au nord du parc de l'Oasis, près de l'escarpement. Till glaciaire, riche en sable et galets. (cf. le till de St-Colomban, fig. 4bis du billet du 26 sept., lien plus haut.) À partir de cet endroit, vers le nord et le NE, le sol s'épaissit et les affleurements rocheux plus rares.



9a.



09a et b. Champ au nord du parc de l'Oasis. Les blocs sont des sujets peu photogéniques. Sur les clichés, ils paraissent invariablement plus petits qu'ils ne sont, banalisés et insignifiants. La plupart des blocs du secteurs sont des granites ou des gneiss plus ou moins granitisés et plus ou moins recouverts de lichens. Ils sont arrondis et proviennent du Bouclier canadien tout près. J'ai vu, assez loin de la falaise, un bloc anguleux de grès local. Arrachage artificiel ou débitage naturel ? (Voir fig. 5 du billet du 26 sept. 2013, lien plus haut.)
On peut calculer la croissance des lichens en examinant des photos prises à 11 ans d'intervalle d'un bloc erratique du parc de la Gatineau : billet du 6 août 2011.



10. Champ au nord du parc de l'Oasis, à l'est de l'escarpement. «Gouttières» dans le grès, orientées NNW. Les rebords sont émoussés, ce qui trahit un «certain âge» - encore une fois, ne me demandez pas de préciser. On remarque que le grès, loin de la falaise, n'est pas faillé.



11a.



11a et b. Champ au nord du parc de l'Oasis. Bloc sur une surface de grès dénudée ; plus grande dimension env. 1,80 m. Il a déjà été photographié (avec de meilleurs résultats) par Alain P. Tremblay (voir fig. 1 et 8 du billet du 26 sept. 2013, lien plus haut). Il s'agit d'un gneiss étonnamment net comparé aux autres blocs des environs aux surfaces saturées de lichens. Il y a indubitablement eu des blocs qui ont été dégagés et déplacés «récemment» par rapport aux autres. La cassure du bloc, à droite sur la photo 9a, est parfaitement fraîche. (Comparez avec le granite en 9b.)


11c. Champ au nord du parc de l'Oasis. Socle de grès et ruisseau.



12a.



12a et b. Champ au nord du parc de l'Oasis. Autre souvenir du temps des glaciers : train de fractures de broutage, causées par le choc répété d'une roche emprisonnée dans la glace qui progressait (fractures concaves). Le mouvement de la glace est toujours NW-SE (de la droite vers la gauche, obliquement, en suivant l'axe du train). Voir le billet du 28 nov. 2009.



13a et b. Champ au nord du parc de l'Oasis. Ruisseau. À l'évidence, l'érosion par l'eau a emporté les particules fines du till, révélant ainsi les galets et blocs qui y étaient dissimulés.



13b.


14a. La silhouette du bloc de la fig. 11 est visible à la droite du centre de la photo. Le grès est étonnamment plat : les strates régulières dont il est formé explique sans doute le phénomène. Sur le Bouclier canadien, au nord, les mêmes glaces ont sculpté un relief en roches moutonnées dans des gneiss et des granites.



14a et b. Talus au nord du parc de l'Oasis. Au sommet, surface plane exploitée par les agriculteurs. C'est le rebord de la couche d'argile laissée par la mer de Champlain (12 000 – 10 000 ans). En bas du talus, nous sommes dans la zone déblayée par l'ancêtre de la rivière des Outaouais (proto-Outaouais) entre 10 000 et 5000 ans (voir billet du 26 sept., lien plus haut). Le fait que le till glaciaire (fig. 8) et même le socle gréseux sous jacents à l'argile soient exposés prouve que le déblayage a été ici assez efficace.
Bref, nous sommes ici près du rivage du proto-Outaouais, à plus de 2 km au nord de la rivière actuelle.


15. Talus au nord du parc de l'Oasis ; vue vers le nord. Ce haut plateau d’argile cultivé, morceau de campagne en pleine ville, est le fond de la mer de Champlain, au sommet de la ville...
 


Sorte de conclusion

L'escarpement du parc de l'Oasis est au sud et à l'ouest d'un talus abrupt dans l'argile de la mer de Champlain. La différence d'altitude entre le bas du talus et le sommet correspond à la couche de glaise marine qui a été emportée par l'ancêtre de la rivière des Outaouais, beaucoup plus large que l'actuelle, entre 10 000 et 5000 ans avant aujourd'hui (voir billet du 26 sept. 2013, lien plus haut).

Pour fouler le fond de la mer de Champlain, il nous a fallu partir du fond de (l'ancienne) rivière des Outaouais, et grimper. Le monde à l'envers !


Chronologie locale

  • 80 000 - 12 000 ans : dernière glaciation (glaciation du Wisconsinien) ; till glaciaire, blocs erratiques ;
  • 12 000 - 10 000 ans : mer de Champlain ; dépôt d’un épais manteau d'argile ;
  • 10 000 - 5000 ans : proto-Outaouais : érosion locale de l’argile marine ;
  • Depuis 4700 ans : l'Outaouais confiné à ses proportions actuelles.

2 commentaires:

  1. Merci pour cette belle série de reportages. Je vais aller voir ça.

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    1. Sur place, c'est encore plus beau. Les photos ne rendent pas justice.
      J'y ai vu des papillons, mais pas de libellules, vous allez trouver ça ennuyant !
      On n'en finit pas de découvrir. Pensez, je n'ai jamais visité la forêt Boucher, à l'autre bout de la ville. ;)

      PS. - Le plus intéressant est à venir, j'ai pris de nouvelles photos aujourd'hui, mais faudra patienter un peu.

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