dimanche 25 novembre 2012

Paysage pré-glaciations (ajouts, ajouts et rajouts)


Avertissement. – Ce billet est une compilation menée au petit bonheur de documents de sources diverses sur un sujet particulier. Il ne s'agit pas d'un exposé et nulle volonté de synthèse n'a guidé son élaboration. Une version mieux ordonnée viendra quand la nécessité de faire le ménage s'imposera.


Fig. 1A. Tirée de Middleton (2004).


Encore un petit billet pour répondre à un lecteur :

«Peut-on reconstituer le paysage des Laurentides d'avant les grandes glaciations du Quaternaire ?»

Réponse. — La reconstitution du paysage pré-glaciation laurentien ne mobilise pas beaucoup de monde. Il faut des originaux comme vous et moi pour s'intéresser à la question.

Voici, malgré tout, quelques pistes pour vous aider.

(Note. – Je profite de l'occasion pour me confectionner par ce billet une bibliographie informelle mais commode sur cette question qui m'intéresse particulièrement. Ce billet été augmenté et étoffé à plusieurs reprises après sa mise en ligne sans que son aspect, portant les stigmates conjugués de l'improvisation et de la précipitation, ne soit amendé. Les «AJOUTS» ne sont pas signalés. )


1A) Voir Middleton (Geoscience, 2004), p. 54, pour le drainage préglaciaire des Grands Lacs ; l'article reproduit la carte de Spencer (1890) reproduite au début de ce billet et qui reste l'une des plus à jour, c'est dire à quel point le sujet n'est plus d'actualité depuis longtemps*.

* Voir cependant les sections 7 et 8.

1B) Cartes du réseau hydrographique supposé de la région des Grands Lacs et du Saint-Laurent durant le Tertiaire (-65 millions à -2.6 millions d'années).


Fig. 1B
G : position approximative de Gatineau.
Modifié de Grabau, 1913 et 1924.


Le retrait par érosion des sédiments du Paléozoïque avait formé une cuesta, ancêtre de l'escarpement du Niagara. Les rivières, qui trouvaient leur source dans le Bouclier canadien («Laurentian Old-Land») coulaient vers le SW. Les Grands Lacs actuels sont figurés en pointillé. Ce schéma, considéré maintenant comme obsolète, semble une variante de la carte de Spencer.

Source : Amadeus W. Grabau, Principles of Stratigraphy : Volume Two, Dover Publications, Inc., New York, 1964 (réimpr. de l'édition de 1924, par A.G. Seiler, New York. Comme il m'est impossible de photocopier ou de scanner les pages de mon exemplaire sans briser la reliure, j'ai pris ces images dans le pdf de la version d'A.G. Seiler and Company (New York, 1913), au site de la BHL (Biodiversity Heritage Library).


1C) Carte des chenaux pré-glaciaires de l'Outaouais. Très vieux travail (1901), jamais contredit à ma connaissance. Source : R. W. Ells, «Ancient Channels of the Ottawa River», The Ottawa Naturalist, vol. XV, no 1, avril 1901, p. 17-30, avec une carte. Disponible dans Internet.



Fig. 1 C. Détails de Ells (1901).
Légende
_ _ _ _ _ : ancien chenal (pré-glaciaire) de l'Outaouais ; 
_ ._ ._ ._ : ligne de partage des eaux (Height of Land) ;
Hull : aujourd'hui Gatineau.



2A) Quelque chose de plus tangible et de plus local (et de plus récent) : existe-t-il encore au Québec des morceaux de sol datant d'avant les glaciations ? Il semble que oui : «Les altérités du bouclier canadien : premier bilan d’une campagne de reconnaissance», de Mireille Bouchard et Alain Godard (1984), dans : Géographie physique et Quaternaire, vol. 38, no 2, p. 149-163.

2B) Voir aussi, mais moins accessible : Mireille Bouchard, Serge Jolicœur et Jean-Pierre Peulvast (2007), «Altération et évolution géomorphologique du bouclier canadien dans le sud-ouest du Québec», in : Du continent au bassin versant. Théories et pratiques en géographie physique (Hommage au professeur Alain Godard), Presses Universitaires Blaise-Pascal, p. 39-54.



Fig. 2A. Modifiée (lettrage retouché) de Bouchard, Jolicœur et Peulvast (2007).
Paléosurfaces de la bordure des Laurentides au nord de Montréal» entre les lacs Écho au SE et Tibériade au NW, en passant par le Mont-Tremblant («Montagne-Tremblante»).
(Cliquer sur l'image pour qu'elle s'affiche à sa pleine grandeur.)


2C) Excellent article de la même série dont le résumé et les images sont désormais (au moins depuis le 19 avril 2013) accessibles gratuitement :

Mireille Bouchard, Serge Jolicoeur, «Chemical weathering studies in relation to geomorphological research in southeastern Canada», Geomorphology, vol. 32, nos 3–4, mars 2000, pages 213–238.

http://dx.doi.org/10.1016/S0169-555X(99)00098-7
http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0169555X99000987



Fig. 2C. St. Lawrence Lowlands (from Mont Tremblant to Saint-Jérôme, southwestern Québec).»
Bouchard et Jolicœur (2000)


3) Outre la coupe reproduite ci-dessus, des sources qui traitent de la région du Mont-Tremblant qui vous intéresseront sans doute plus particulièrement, cher lecteur à l'origine de ce billet :

De Brigitte Poirier et Robert-André Daigneault, «La mise en valeur du patrimoine géologique du Sentier national du Québec dans les Laurentides», Le Naturaliste Canadien, vol. 135, no 1, hiver 2011, p. 45-55. PDF téléchargeable gratuitement.

Voir aussi : Poirier, Brigitte (2008), Identification, évaluation et sélection de géosites potentiels le long du sentier national du Québec dans la MRC des Laurentides : une contribution à l'offre écotouristique régionale des municipalités de Labelle et de La Conception, mémoire (thèse de maîtrise en géographie), Univ. de Montréal. PDF téléchargeable. Nous en tirons ce court extrait qui nous a charmé (p. 48) :

«L'évolution géomorphologique des paysages du Bouclier canadien a été très peu étudiée au Canada.»

Ben tiens, qu'est-ce que je disais plus haut ? (Voir aussi section 8.)


4) Saviez-vous que si la dernière glaciations avait été moins intenses, le visage politique de l'Amérique du Nord aurait été différent tout en étant plus français ? Voir «What If? The Ice Ages Had Been A Little Less Icy?», Steven Dutch (2006). Il s'agit d'une vision à l'échelle continentale, ne cherchez pas là un aperçu au ras des pâquerettes de votre arrière-cours dans les Laurentides...

«If a northern route across Ohio [by St. Lawrence] suggested by some authors were re-established after ice retreat, the headwaters of the St. Lawrence would have been in North Carolina. In this scenario, the axis of transportation west of the Appalachians would be northward. With access from Canada so much easier, this region might have remained solidly Canadian, possibly even French. The Thirteen Colonies might have remained hemmed in along the Atlantic coast. » (Dutch, 2006)



Fig. 4. Tirée de Dutch (2006).


«The map above shows how present drainage systems might be different in the counterfactual world [c.-à-d. en supposant que les glaciations aient été moins puissantes]. With no blockage of the ancestral Hudson Bay-Mississippi drainage divide at high elevations, plus less infilling of valleys by glacial deposits, it would have been far easier for the ancestral upper Missouri River to re-establish its course into Canada. The area shown in orange would be lost to the Mississippi drainage system. The area shown in green is a minimal estimate of drainage to the St. Lawrence that would not have been diverted. The Ohio River is discussed below. Magenta indicates areas around the present Great Lakes that might have remained connected to the Mississippi drainage had the Great Lakes not been excavated. This area is highly speculative but is intended to suggest that not all the drainage diversions were one-way. The Mississippi gained drainages from Pleistocene diversions, but also may have lost drainages.» (Dutch, 2006)

5) Carte du drainage de l'Amérique du Nord avant le Quaternaire ; Plummer (2007), Physical Geology and the Environment :



Fig. 5. Modifiée de Plummer (2007).
Réseaux hydrographiques de l'Amérique du Nord avant et après les glaciations.
Comparez avec la carte de la section 4. La provenance des cartes de Plummer (2007) doit être la
même que celle de la carte de la section 9.


(Mon résumé du texte de Plummer (2007)). Les Grands Lacs sont un exemple d'érosion glaciaire intensive. Leur bassin, excavé dans le socle rocheux, atteint des profondeurs situées sous le niveau de la mer. Pour les créer, les glaciers ont repris et approfondi des vallées fluviales, artères d'un réseau hydrographique pré-Quaternaire*. Des sections de ces anciennes vallées, masquées ailleurs par les sédiments glaciaires, sont visibles ça et là (voir cependant Cunhai Guo au point 7, à propos de ces «anciennes vallées fluviales».)

* (Quaternaire : 2,59 millions d'années-aujourd'hui ; Âge des glaciations et de la naissance de l'humanité.)

(Mes commentaires à propos des deux cartes ci-haut). Le Mississippi s'est agrandi au dépend d'une partie du bassin du Saint-Laurent et a capturé des segments d'un réseau hydrographique, maintenant disparu amoindri, qui s'écoulait dans l'océan par la baie d'Hudson et le détroit du même nom. L'actuel Mackenzie, au NW, a dévié vers le NW une autre partie de ce réseau démembré.

6) Pour une vision (temporellement) plus profonde :

«Calcul de l’érosion à long terme en région de socle autour de grands astroblèmes du Québec et de France», Géographie physique et Quaternaire, vol. 60, n° 2, 2006, p. 131-148, Jean-Philippe Degeai et Jean-Pierre Peulvast (2006).



Fig. 6. Tirée de Degeai et Peulvast (2006).
On voit les Montérégiennes être peu à peu dégagées par l'érosion (à droite).


7A) À propos des «vallées enfouies» du sud de l'Ontario, souvent interprétées comme des vestiges du réseau hydrographique préglaciations, voir : Cunhai Gao, «Buried bedrock valleys and glacial and subglacial meltwater erosion in southern Ontario, Canada». Canadian Journal of Earth Sciences, 2011, 48(5): 801-818, 10.1139/e10-104 (article payant).

Voici un résumé personnel de l'article : On a relevé plusieurs vallées dans le socle rocheux (Paléozoïque) du sud de l'Ontario sous les sédiments glaciaires. Diverses hypothèses ont été avancées pour expliquer leur formation, la plus connue étant qu'il s'agirait des reliques d'un réseau hydrographique datant d'avant les glaciations. Gao (2011), au contraire, favoriserait plutôt celle voulant que ces vallées aient été creusées sous les glaciers par l'eau de fonte*.

* À ce sujet, voir mes billets suivants : lien, et lien.

En particulier, la fosse Laurentienne qui, à l'est de l'escarpement du Niagara relie la baie Georgienne au lac Ontario (voir la carte de Spencer au début du billet), aurait été excavée par érosion mécanique par les glaces (comme les Grands Lacs, du reste) et aucun vestige d'un réseau hydrographique préglaciation ne saurait s'y trouver.

Le socle du sud de l'Ontario a été fortement modifié par le passage des glaces et l'idée que, sous les sédiments meubles, se trouve un paysage préglaciaire simplement retouché par les glaciations est à abandonner.

7B) En accès libre, les mêmes travaux : Cunhai Gao : Origin of regional buried bedrock valleys in the Great Lakes region: a case study in southern Ontario.



Fig. 7B. Tirée de Gao (2011) ; vallées incises dans
le socle rocheux, sud de l'Ontario, selon différents auteurs.


8) En complément de la partie 7, voir aussi, de Sharpe et Russell (2004), téléchargeable gratuitement (of course) dans GéoGratis : Basin Analysis Applied to Modelling Buried Valleys in the Great Lakes Basin :

«More than a 100 years after Spencer (~1890)* inferred that a Tertiary Laurentian river network played a key formative role in shaping the Great Lakes basin, no clear idea of the geometry, extent and the sedimentary fill in any buried valley in southern Ontario has been established.» (Sharpe et Russell, 2004.)

* Voir section 1A et B.

9) Encore une reconstitution du drainage pré-glaciaire de l'Amérique du Nord. Sources :


  • Duk-Rodkin, A., and Hughes, O.L., 1994 – «Tertiary-Quaternary drainage of the pre-glacial MacKenzie River basin». Quaternary International, v. 22–23, p. 221–241, doi: 10.1016/1040-6182(94)90015-9.
  • James W. Sears, 2013 – «Late Oligocene–early Miocene Grand Canyon: A Canadian connection?» GSA Today, v. 23, no 11, doi: 10.1130/GSATG178A.1. (Article ici, pdf ou html.)



Fig. 9. Tirée de Sears (2013), reprise de Duk-Rodkin et Hughes (1994).
Earley Oligocene = 34 - 28 Ma.
Légende générale, pour cette carte et les autres dans Sears (2013). 1—Cypress Hills and Wood Mountain; 2—Upper Missouri River; 3—Eastern Great Basin rift; 4—Early Grand Canyon; HB—Hudson Bay; HS—Hudson Strait; LCL—Lewis and Clark Line; NAMC—Northwest Atlantic Mid-Ocean Channel; RG—Rio Grande; RMT—Rocky Mountain Trench; S SASK—South Saskatchewan River; U. COLO—Upper Colorado River.


Bonnes lectures !

samedi 24 novembre 2012

L’AUTRE OUTAOUAIS – Lancement


Note : je ne fais que relayer l'information. 
Pour renseignements, voir le communiqué dont je reproduis ici l'image et le texte.



INVITATION


La Société Pièce sur pièce est heureuse de vous inviter au lancement du livre

L’AUTRE OUTAOUAIS
GUIDE DE DÉCOUVERTE DU PATRIMOINE
de Manon Leroux


Guide de voyage pratique mais aussi référence historique, L’autre Outaouais se veut une invitation à tourner le regard vers les traces du passé de l’Outaouais, à les débusquer dans une contrée diverse et magnifique. Outil essentiel pour qui s’intéresse à l’histoire et à l’identité de la région, il offre des clés utiles pour la comprendre, la protéger et l’aimer.


Le jeudi 6 décembre 2012, de 17h30 à 20h
La Filature, 82, rue Hanson, Gatineau (secteur Hull)
DJ : Vincent Leblanc | Vin et cidre de l’Outaouais
Livre en vente sur place | Info : piecesurpiece@gmail.com

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Voir aussi (dans ce blogue), ce billet.

dimanche 11 novembre 2012

Hors sujet : Précis du flou


Ottawa, promenade Aviation, 26 nov. 2011.

Mauvais synchronisme : je voulais photographier l'affleurement de calcaire quand un véhicule est passé. Son image est floue, mais le reflet d'un arbre sur ses vitres en mouvement, lui, a été saisi dans toute sa netteté. Je sens qu'on pourrait tirer une morale de cette anecdote insignifiante, mais laquelle ? On pense à la flèche de Zénon d'Élée qui filait dans l'air et niait le mouvement tout à la fois..

J'entends les canons du 11 novembre à Ottawa. Aucun rapport avec le (hors) sujet.


Détail.

vendredi 9 novembre 2012

Lac Blue Sea : suite (ajout)


Suite à mon dernier billet : géologie du lac Blue Sea.

(J'ai ajouté quelques précisions – 10 nov. 2012.)

J'aime bien comparer des cartes d'époques différentes d'un même secteur. Le coin NE de chacune de ces deux qui suivent est calé sur les coordonnées 76° W et 46° 15' N. La première couvre plus de territoire à l'ouest tandis que la seconde est plus détaillée.

Le secteur est riche en gisement de zinc, de fer, de minéraux radioactifs et a souvent été étudié et prospecté.

(Cliquez sur les images pour les voir à leur pleine grandeur.)


Carte : détail de Bourne (1970).

Légende (adaptée)

PROTÉROZOÏQUE SUPÉRIEUR
12 : diabase
PROTÉROZOÏQUE MOYEN
Supergroupe de Grenville
7 : granite blanc
X : granite à amazonite (billet précédent)
6a : marbre
5 : paragneiss à grenat, sillimanite, biotite et feldspath
Socle pré-Grenville (?)
3 : amphibolite
1 : complexe de gneiss gris
Symbole circulaire à l'est du X rouge : sablière


Carte : détail de Gauthier (1982).

Légende (adaptée)
Roches magmatiques
G : syénite
F1 : granite et pegmatite
X : pergmatite à amazonite (la croix à gauche du X – il faut grossir la carte – indique
le gisement d'amazonite.)
F2 : diorite
Supergroupe de Grenville
E : quartzites et paragneiss du niveau supérieur
D : marbres du niveau médian (D1 : marbre calcaire ; D2 : dolomitique)
C : quartzites et paragneiss du niveaux inférieur
Socle pré-Grenville ?
B : amphibolite du niveau de base


SOURCES
  • Bourne, J H., Géologie de la région du lac Cayamant, ministère des Richesses naturelles, Québec, RP 598, 1970, 20 pages (avec carte 1725 (1/63 360), 31K01).
  • Gauthier M., Métallogénie du zinc dans la région de Maniwaki-Gracefield, Québec, ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles, Québec, MM 82-03, 1982, 108 pages (avec 2 cartes couleur au 1/20 000 et 7 cartes noir et blanc à 1/2000, 1/500 et 1/250).


mercredi 7 novembre 2012

Lac Blue Sea et amazonite bleue


Ce billet n'a pour but que de répondre (partiellement) à un lecteur qui m'a adressé quelques questions. Je reviendrai le compléter plus tard. (C'est fait.) Qu'on me pardonne pour la mauvaise qualité de la photo qui n'a été prise que pour des raisons documentaires et qui n'était pas destinée à être publiée. (J'ai changé la photo du billet (8 nov.))


Échantillon de granite à amazonite (feldspath bleu) du lac Blue Sea (au sud de Maniwaki). La plume pointe le site de la carrière, à l'ouest du lac (astérisque rouge) : voir cartes géologiques au billet suivant. Aucun rapport entre le nom du lac et la couleur du granite qui n'affleure qu'à un endroit isolé, à plus de 500 m du bord de l'eau.


Par sa composition (feldspath et quartz dominants), la roche représentée ici c'est un granite. Par sa texture, c'est un granite graphique graphitique : le quartz, coincé entre les cristaux de feldspath bleu-vert (amazonite) prend l'allure d'une écriture cursive vaguement cunéiforme. Par sa granulométrie très grossière, c'est une pegmatite.

Bref, il s'agit d'une pegmatite granitique graphique graphitique à amazonite. Pour faire court, on peut dire granite pegmatitique, granite graphique graphitique ou granite à amazonite, selon la caractéristique qui nous intéresse.

C'est le feldspath qui colore habituellement les granites, lesquels peuvent être blancs, orangés, rouges, bleus, etc. Celui du lac Blue Sea forme un petit pluton au milieu d'une bande de marbre blanc. Il contient aussi des cristaux de mica noir (biotite) et de fluorine violette.


Complément d'information
D'après Sabina (1987), la carrière du lac Blue Sea aurait été exploitée vers 1910. La roche est un granite graphique graphitique à quartz fumé, amazonite, fluorine pourpre, tourmaline noire et biotite.

Le marbre des alentours est blanc de neige et renferme de l'apatite bleu ciel. Tous les minéraux bleus ne sont donc pas nécessairement de l'amazonite.


Référence
  • Sabina, A P, Roches et minéraux du collectionneur, Hull - Maniwaki, Québec; Ottawa - Peterborough, Ontario, Commission géologique du Canada (CGC), Rapports divers 41, 1987; 147 pages.


Ajout (8 nov. 2012) : granite «graphique» ou «graphitique» ? Sabina (1987, p. 47) indique «graphitique», et j'avais corrigé la première mouture de ce billet en conséquence. Mais c'était me fier à la version française d'un texte anglais traduit par la CGC. Voici que je retourne à «graphique», sur la fois d'autres documents rédigés directement en français. J'espère que c'est la fin de ces corrections et contre-corrections.

Hors sujet : cumulus et anniversaire


Ce blogue a trois ans aujourd'hui. Pour fêter l'événement, deux photos sans intérêt, mais qui ont tout pour me plaire. Disons simplement que, pour moi, la vision de cumulus humilis flottant dans un ciel d'été est l'un des plus émouvants qui soit.

Ceci n'est évidemment qu'un avis très subjectif.



Cantley (Québec), Montée Saint-Amour (juin 2008)
Admirez avec quelle unanimité ces cumulus humilis dérivent tous à la même altitude.


Du point de vue géologique (quand même), nous sommes dans la plaine d'argile laissée par la mer de Champlain (12 000 - 10 000 ans).

mardi 6 novembre 2012

Chelsea : dykes et brèches de calcite


Autoroute 5, Chelsea (Québec) ; photo Henri Lessard (17 juin 2000).
1. Dyke ou brèche de calcite large de plusieurs mètres recoupant un gneiss gris. Une calcite claire repousse une calcite «sale», les deux variétés portant de multiples xénolites anguleux. Carbonatite ou marbre (deux fois) mobilisé ? Voir cet ancien billet (à une époque, je numérotais les photos de ce blogue, quelle patience j'avais...)
Les xénolithes, anguleux, ne doivent pas provenir de bien loin, en particulier celui, fragile, de forme allongée et effilée. Il a quand même disposé du loisir de développer une bordure micacée noire en réaction à son bain de calcite.


Moment de liesse pour ce blogue.

Enfin, après presque 20 ans de patience et de recherches, je dispose d'un début d'explication sur un phénomène géologique pourtant très courant au nord de Gatineau. Jusqu'ici, j'avais dû me contenter d'informations indirectes ou d'inférences toutes personnelles. (Voir mes billets à ce sujet ; lien et lien.)

Je parle des filons, dykes et brèches de calcite rose à orangée qui recoupent les métasédiments et les orthogneiss de l'autoroute 5 à Chelsea.

(Note. – Ce billet a subi de multiples retouches depuis sa mise en ligne.)


Calcite ubiquiste
Ces intrusions de calcite, omniprésentes, sont les orphelines de la géologie locale. J'avais avancé à l'époque 3 hypothèses (qui ne s'excluaient pas) sur leur nature (ce billet) :

  • 1) Marbre mobilisé. Le marbre, abondant dans la région, et constitué de… calcite, est une bonne source de… calcite ! Par fluage, en réponse aux contraintes tectoniques, il est arrivé que le marbre se soit injecté dans les formations voisines moins ductiles en plissant et disloquant les pans et fragments de roc qu’il emportait. Il s'agit de mobilisations locales. Voir, par exemple, ce marbre à xénolithes dans cet ancien billet : à comparer avec la photo no 1 du présent billet ;
  • 2) Skarns, omniprésents dans la région, résultats de l’interaction de marbres dolomitiques (magnésiens) avec les paragneiss silicieux voisins. Bref, du métasomatisme, ou influences mutuelles locales entre roches adjaçantes, supposant peu ou pas du tout d’apports extérieurs. Voir ce billet ;
  • 3) Carbonatites, rares, mais comme il en existe au lac Meech et au lac McGregor (Hogarth, 1997) ou à Buckingham (Hogarth, 2003). Cristallisation d’un magma composé de carbonates (calcite et/ou dolomie). Dans ce cas, il s’agit d’une roche d’origine lointaine, et même profonde, les fluides magmatiques, contaminés ou non par les marbres qu’ils auront traversés, provenant des couches inférieures de l’écorce terrestre. Voir ce billet, déjà mentionné.

Les marbres mobilisés (hypothèse no 1), habituellement gris, à grain plus modeste que les intrusions de calcite rose, souvent très grossières (cristaux de calcite de plus de 3 à 4 cm ; photos 3A et 3B), ne semblent décidément pas de bons candidats pour ce qui nous intéresse. Les skarns et les carbonatites (hypothèses 2 et 3), se manifestent souvent sur le terrain par la coexistence de calcite rose grossière à très grossière et de minéraux verts (diopside, amphiboles), résultat de l'interaction des carbonates avec les minéraux silicieux des roches encaissantes.


Easton (2012) : syénites de la région de Brudenell (Ontario)..
2. Photos tirées de Easton (2012), légendes adaptées.
A) Filon de calcite grossière rose pâle recoupant une syénite rouge. B) Agrégat de calcite grossière pâle et de feldspath potassique dans la même syénite rouge. C et D) Filon boudiné de calcite recoupant une syénite grise et fragment isolé de feldspath rose dans la même syénite. 
Comparez les photos A et B avec les photos 3A et3B, prises sur le bord de l'autoroute 5. (Voir ce billet.) Comparez aussi les photos C et D avec les photos 5 et 6.
Easton relie des carbonatites et des syénites associées de la région de Brudenell aux carbonatites-fénites étudiées à Chelsea par Martin et Sinai (2012). À juger d'après les photos, les ressemblances sont pour le moins évocatrices... 


Autoroute 5, Chelsea (Québec) ; photo Henri Lessard (7 octobre 2012).
3A. Filon de calcite-quartz-pyrite recoupant un granite à tourmaline qui, lui-même, recoupe la syénite-diorite de Wakelfield.

Autoroute 5, Chelsea (Québec) ; photo Henri Lessard (7 octobre 2012).
3B. Filon de calcite-quartz-pyrite recoupant le même granite qu'en 3A.


Travaux récents
Entre roches présentant un indéniable air de famille (hypothèses 2 et 3), il n'est pas toujours simple de savoir à quoi on a affaire...

Or, voici que je découvre les travaux de deux chercheurs de l'Université McGill sur les «fénites-carbonatites*» de Old Chelsea. Peut-être y verra-t-on enfin clair ?

«We focus here on an unexpected discovery of evidence of fenitization of the regionally developed quartzofeldspathic gray gneiss. This transformation occurs near dikes of orange calcite, which typically have a selvage of tiny euhedral diopside crystals and apatite granules.» (Martin et Sinai ; 2012)

Fénitisation, dyke de calcite orangée, diopside... Avouez que c'est évocateur.

Selon Martin et Sinai (2012), la calcite de ces dyke est intermédiaire entre celle des (abondants) marbres régionaux et des carbonatites d'origine mantellique. Le marbre local aurait réagi (métasomatisme) avec des fluides alcalins pour produire des carbonatites. Dans une perspective plus large, un processus de délamination crustale (vers 1040 Ma**) aurait entraîné la formation de magmas syénitique, granitique et carbonatitique par remontée concomitante du manteau terrestre, plus chaud. On pourrait se demander si le batholite de Wakefield (ce billet) ne ferait pas partie de cette suite magmatique reconnue plus à l'ouest en Ontario par Easton (2012).

À cette étape de l'exposé, il serait inexcusable de ne pas mentionner la suite volcano-plutonique potassique de Robitaille, à Buckingham (Hogarth, 2003), à un peu plus de 30 km à l'est de Chelsea. Les roches de la suite incluent justement des syénites/trachytes*** et une calciocarbonatite. Les analyses datent la suite du Mésoprotérozoïque (1060 Ma).

* Fénite : roche hôte modifiée par diffusion ou imprégnation (métasomatisme) par l'introduction d'une roche ignée alcaline ou d'une carbonatite.
** Ma : million d'années.
*** Trachyte : version effusive (lave) de la syénite.


Échantillon ca 1998, autoroute 5, Chelsea (Québec) ; photo Henri Lessard.
4. Calcite (et/ou dolomite) de teintes variées avec hématite spéculaire. Échantillon provenant d'une poche de calcite large d'environ 1 m installée dans un paragneiss. L'intrusion, en partie lessivée, était bordée de cristaux de quartz idiomorphes de quelques mm pointant vers l'intérieur. Des filons minces de quartz-calcite-pyrite recoupaient le paragneiss hôte.


Skarns ou carbonatites ?
Maintenant que la question de la présence ou non de carbonatites sur les bords de l'autoroute 5 a trouvé une réponse positive, le problème de les distinguer des skarns, tout aussi avérés et répandus à travers une plus vaste région, n'a toujours pas de résolution...

Skarns ou carbonatite, la question a toujours sa raison d'être.

Un billet à venir fera le point sur la question.


Autoroute 5, Chelsea (Québec) ; photo HenriLessard (29 octobre 1999).
 5. Intrusion de calcite à phlogopite et fluorite verte recoupant un orthogneiss. Skarn ou carbonatite ?


RÉFÉRENCES
  • Easton, R.M., «Project Unit 11-004. Geology and Mineral Potential of the Brudenell Area, Northeastern Central Metasedimentary Belt, Grenville Province, with an Emphasis on the Syenitic Rocks», Summary of Field Work and Other Activities 2012, Ontario Geological Survey, Open File Report 6280, p.12-1 to 12-17.
  • Hogarth, D.D., Rocks of the Mason - Buckingham - Mayo Area, with emphasis on Mesoproterozoic igneous types. MRNF, Québec, GM 63238, 2003, 28 p., 1 carte (1/20 000) (31G11).
  • Hogarth, D.D., «Carbonatites, fenites and associated phenomena near Ottawa», GAC/MAC, Joint Annual Meeting, Ottawa, Field Trip Guidebook A4, 1997, 21 p.
  • Martin, R.F. and Sinai, F. 2012. «Rheomorphic fenite and crustal carbonatites: new complications in the Grenville crust, Old Chelsea area, Quebec», abstract in Geological Association of Canada–Mineralogical Association of Canada, St. John’s 2012, Program with Abstracts, v.35, p.85. (Disponible (PDF) par Internet.)


Autoroute 5, Chelsea (Québec) ; photo Henri Lessard (27 mai 2000).
6. Filon de calcite dans un gneiss.


Autoroute 5, Chelsea (Québec) ; photo Henri Lessard (octobre 2008).
7. Skarn, pendant les travaux de prolongement de l'autoroute 5, contenant de la calcite rose et recoupé par un granite rouge brique (à gauche). Voir ce billet.

Séismes : montréalo(épi)centrisme


Selon Le Droit (Ottawa) (c'est moi qui souligne) :

«Léger tremblement de terre à Papineauville
Un léger tremblement de terre a été ressenti dans la nuit de lundi à mardi dans l'Outaouais.
Il est survenu à 4:05 et son épicentre était situé non loin de Papineauville, à 31 kilomètres à l'est du secteur de Buckingham à Gatineau.
Selon le site Internet de Séismes Canada, il s'agirait d'un séisme de magnitude 4,2.»

Selon La Presse (Montréal) (c'est moi qui souligne) :

«Léger séisme ressenti à Montréal
Un léger tremblement de terre a été ressenti dans la nuit de lundi à mardi dans la grande région de Montréal.
Il est survenu à 4 heures 05 et son épicentre était situé à 31 kilomètres à l'est du secteur de Buckingham à Gatineau.
Selon le site Internet de Séismes Canada, il s'agirait d'un séisme de magnitude 4,2.»

À «31 kilomètres à l'est du secteur de Buckingham à Gatineau», c'est encore l'Outaouais. Et Papineauville, c'est toujours l'Outaouais.

Que Montréal n'essaie pas de s'approprier nos richesses naturelles (même sismiques).

Messieurs les Montréalais, nous veillons sur nos épicentres. Vous n'y toucherez pas !

D'ailleurs, voyez la carte de Ressources naturelles Canada :


Carte Ressources naturelles Canada.
Cliquer sur le lien pour plus de détails sur ce séisme.


Voir (dans ce blogue) «Séisme à Montréal».

samedi 3 novembre 2012

Faille des Allumettières : mise à jour


Boulevard des Allumettières, Gatineau (Québec), 3 novembre 2012.

Je vous invite à aller voir la mise à jour de mon billet sur la Faille des Allumettières. Plutôt que d'éparpiller la matière en une multitude de billets qui finissent par noyer les principaux comme je le faisais jusqu'à récemment, je préfère désormais allonger ceux où tel ou tel sujet est traité en détail.

Outaouais et Laurentides : même patrimoine géologique


Photo tirée de : Poirier et Daigneault, 2011.


Découverte un peu tardive d'un article paru dans Le Naturaliste Canadien* : «La mise en valeur du patrimoine géologique du Sentier national du Québec dans les Laurentides», par Brigitte Poirier et Robert-André Daigneault. (PDF téléchargeable gratuitement dans Internet.)

Résumé («Mise en gras» par moi). «Cet article présente une proposition de mise en valeur du patrimoine géologique de trois tronçons du Sentier national du Québec dans les municipalités de Labelle et de La Conception. Cette proposition s’appuie sur l’inventaire de sites d’intérêts géologiques et l’évaluation de leur valeur scientifique, à partir de la quantification de critères bien définis (rareté, intégrité, représentativité, nombre de phénomènes et qualité des points d’observation). Les sites ayant obtenu les pointages les plus élevés ont été considérés comme des sites géologiques exceptionnels ou géosites. Des 44 sites géologiques inventoriés, 16 sites ont été considérés comme des géosites. À partir des phénomènes observés, ces géosites sont regroupés sous trois thématiques : l’origine du Bouclier canadien, la dernière glaciation et les processus actuels et récents. Un exemple de mise en valeur du patrimoine géologique en fonction de ces thématiques est présenté à partir du sentier qui présente le plus de géosites, soit le sentier Alléluia

Du point de vue géologie, il n'y a pas de différence notable entre l'Outaouais et les Laurentides, chacune étant la continuité de l'autre dans le même secteur du Bouclier canadien (province de Grenville).

Notre blogue, pourtant consacré à la géologie de l'Outaouais, a d'ailleurs fait quelques excursions du côté des Laurentides, au lac Tremblant, en particulier. (Au fond du lac, pour être plus précis, Géo-Outaouais aime aller au fond des choses.)

L'article contient un bon résumé de l'évolution géologique de la région, une description de sa physiographie et un inventaire des sites d'intérêt (géosites).

Affaire à suivre. Un tel projet de mise en valeur du patrimoine géologique de cette région sœur siamoise de la nôtre est une initiative très encourageante.


 Nous aussi nous avons un beau bloc erratique perché au sommet d'une colline. En plus, il est en couleur. Parc de la Gatineau, mai 2000, voir cet ancien billet. (Pour un aperçu plus récent, suivre ce lien.)


Référence complète
Brigitte Poirier et Robert-André Daigneault, «La mise en valeur du patrimoine géologique du Sentier national du Québec dans les Laurentides», Le Naturaliste Canadien, vol. 135, no 1, hiver 2011, p. 45-55. PDF téléchargeable gratuitement.


* Il y a quelques années (c'était au siècle dernier), ayant demandé au comptoir de la Bibliothèque d'Ottawa de vieux numéros du Naturaliste Canadien, la préposée, une bénévole assez âgée, m'avait répondu d'un ton pincé qu«'il n'y avait pas de ça ici». J'avais dû lui montrer l'index des périodiques conservés à la Bibliothèque pour la convaincre du contraire. Quand elle s'est rendu compte qu'elle avait confondu naturaliste et naturiste, son attitude a changé du tout au tout. Ah ! le pouvoir d'un simple mot, de quelques lettres même...

jeudi 1 novembre 2012

Stromatolite, stromatopore ou stromato-stroumph ?


Stromatolite(s) et/ou stromatopore(s) exposés dans la pierre d'édifices à Ottawa (calcaire ordovicien, 488-444 millions d'années). Si quelqu'un pouvait m'éclairer sur la nature de ces fossiles bizarrement exhibés, parce que, dans certaines conditions, il n'est pas facile de distinguer entre stromatotruc et stromatochose...

Merci d'avance.


Deux stromato-choses, un grand, à gauche, et un petit, à droite. Ottawa, 459, promenade Sussex. (Photo 28 janvier 2012.)


Zoom sur le «grand» ; largeur : env. 20 cm.


Gros plan du «petit».


Ottawa, rue Cumberland, près de la rue Guigues. Outre le stromato-stroumph au centre, il semble y en avoir un autre, coupé en deux, sur le côté gauche de la pierre. (Photo 25 novembre 2011.)


Gros plan ; longueur : env. 8 cm. (Photo 1er novembre 2012.)

Liens
Stromatolites
http://geo-outaouais.blogspot.ca/search/label/Stromatolites
http://geo-outaouais.blogspot.ca/2009/11/colonie-de-stromatolites-gatineau.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Stromatolithe
Stromatopores
http://www2.ggl.ulaval.ca/personnel/bourque/s4/stromatopores.html
http://www.geoforum.fr/topic/22784-les-stromatopores-stromatoporoide-ou-stromatporoidea/


 Stromatolite du Transitway, à Ottawa (voir ce billet et suivre les liens qu'il contient). (Photo 29 octobre 2011.)