mercredi 4 juillet 2012

Et Gatineau, c'est pas une ville sensible, elle ? : suite


Version «épuchée» (sans les couches comportant les détails du réseau routier, etc.) pour meilleure lisibilité de la carte de Hunter et al. (2012). Pour les «non locaux», la rivière qui coule de l'ouest vers l'est est l'Outaouais : rive gauche, la ville de Gatineau ; rive droite, la ville d'Ottawa.
Par ordre de sensibilité croissante aux secousses sismiques : vert, bleu : socle rocheux sain ou peu altéré ; jaune, ocre, rouge : till glaciaire compact, sables fluvioglaciaires, argiles glaciomarines non consolidées. © Ressources naturelles Canada.


Il y a quelque temps, j'avais consacré un billet («Ottawa, ville sensible») à la carte de la sensibilité sismique des sols de la ville d'Ottawa (Hunter et al., 2009) que Ressources naturelles Canada venait de publier. La carte négligeait la rive nord de l'Outaouais, lacune qui m'avait fort désolé («... et Gatineau? C'est pas une ville sensible, elle ?...») à l'époque. Déficience aujourd'hui comblée puisqu'une nouvelle version du document étend la cartographie à la ville de Gatineau (Hunter et al., 2012).

Chaque Gatinois voudra sans doute aller vérifier la stabilité des fondations de son domicile ! La carte est téléchargeable gratuitement (pdf de 194 Mb). Suivre ce lien (GEOSCAN) et faire une recherche avec le numéro du document : 7067. (Si ça ne fonctionne pas, comme ça semble être le cas, utilisez le nom de l'auteur principal, Hunter.)

Les auteurs de ses deux cartes ont réparti les sols (et le sous-sol) du territoire cartographié en cinq classes, depuis le socle rocheux sain ou peu altéré (classes A, B – vert, bleu sur la carte) jusqu'au till glaciaire compact, aux sables fluvioglaciaires et, enfin, aux argiles glaciomarines non consolidées (classes C, D, E – jaune, orangé, rouge).

Le comportement de ces classes de sols en cas de séisme est d'autant plus problématique qu'on s'éloigne du A vert et que l'on se rapproche du E rouge. (On croirait lire du Rimbaud.)

Pour ma part, j'habite le B bleu. Pas si mal.


F comme fluide et fluent...
L'intérêt de cette «version étendue», outre la couverture plus grande, est de rappeler la possibilité qu'il se trouve dans la région des sols de la catégorie F qui s'ajouterait à celles déjà décrites. Les sols F seraient susceptibles de se liquéfier en cas de fortes secousses sismiques. Il reste cependant à s'assurer de leur présence effective dans le secteur cartographié. (Voir plus bas les extraits du texte qui accompagne la carte.)

«Durant un séisme, les secousses ne seraient pas ressenties uniformément à travers la ville, mais différemment de secteur en secteur, selon la nature de la roche en place et la structure du sol. Les zones comblées par d'épaisses couches d'argile à Leda* [brunes et rouges sur la carte] seraient susceptibles de connaître de plus fortes secousses et, donc, de subir de plus amples dommages en cas de séisme majeur.» (Duffy ; mon adaptation.)

Les zones où affleure des roches saines (métamorphiques ou sédimentaires) se ressentiraient moins des effets des séismes. En revanche, à Orléans (quartier à l'est d'Ottawa) par exemple, qui s'étend en partie au dessus d'une ancienne vallée comblée par de l'argile marine et où l'épaisseur du «remplissage» atteint 96 m, n'est peut-être pas idéalement située. La forme de la vallée favoriserait l'amplification des ondes de surfaces, qui sont, parmi les ondes sismiques, celles qui provoquent le plus de destruction.

Le tremblement de terre de Mexico – ville érigée dans un ancien bassin lacustre rempli de sédiments non consolidés –, a fait prendre conscience, en 1985, des dangers liés à ce genre de configuration. La nouvelle cartographie montre que la zone sensible d'Orléans se prolonge au nord et couvre une partie non négligeable de Gatineau. Une autre zone sensible chevauche la Gatineau à son embouchure, là où cet affluent rejoint l'Outaouais. (Revenir un jour sur ce sujet : une partie des zones sensibles à Gatineau (en rouge) coïncident avec des sites de glissements de terrains préhistoriques majeurs.)

*Argile à Leda. – Argile glaciomarine déposée au fond de la mer de Champlain (entre 12 000 et 10 000 ans avant aujourd'hui). Nommée ainsi à cause d’une moule fossile qu’on y trouve.


Détail de la carte de Hunter et al. (2012) : Gatineau et Ottawa. Par ordre de sensibilité croissante aux secousses sismiques : vert, bleu, jaune, ocre, rouge (voir image au début du billet). © Ressources naturelles Canada.


Extraits (Hunter et al., 2012)
All five of the NBCC seismic site classes A to E are present within the cities of Ottawa and Gatineau. In particular, the map reveals that class D and E areas are present beneath the urban and suburban parts of the city, mainly due to the presence of thick deposits of ‘soft’ glaciomarine sediments (or Leda clay). In some places Leda clay reaches thicknesses up to 100 m, infilling buried bedrock valleys. Locally, the transitions from classes A to E can occur over distances of less than 500 m [...], reflecting the steeply-sloped margins of the buried valleys. [...]

Site class F, the sixth NBCC seismic site class, defines a special case of soil conditions, including liquefiable soils, quick and highly sensitive clays, >3 m of peat, >8 m of highly plastic clays and >30 m of soft to medium stiff clays [...]. At a class F site, site-specific geotechnical evaluation is required to assess amplification of the firm-ground seismic hazard values. [...] It should be noted that it is possible that class F site conditions may be found within the areas mapped as C through E, as Vs30 alone does not allow class F conditions to be indentified.

[...] three generalized stratigraphic units which have distinct shear wave velocity (Vs) characteristics. These three units (from surface downwards) are: (1) deglacial/post-glacial deposits (consisting of glaciomarine, deltaic, and fluvial deposits); (2) glacial deposits (till, diamicton and glaciofluvial deposits); and (3) bedrock.

Zone sismique active
Rappelons, pour ceux qui l’auraient oublié, que Gatineau et Ottawa arrivent en troisième place, après Vancouver et Montréal, dans la liste des agglomérations à risque sismique au pays. Gatineau, comme sa voisine ontarienne, est située dans une zone sismique active, la zone sismique de l'Ouest du Québec :

Zone sismique de l'Ouest du Québec : carte des épicentres. © Ressources naturelles Canada.
Note. – Hull, au Nord d'Ottawa, fait maintenant partie de la ville de Gatineau.Voir cet ancien billet pour plus de détails.


Références
  • Duffy, Andrew, «Exclusive: Scientists map Ottawa quake risk», The Ottawa Citizen, 24 avril 2009. Voir aussi, du même auteur, «Engineers to test city structures for earthquake vulnerabiliy», The Ottawa Citizen, 30 avril 2009.
  • Hunter, J.A., Crow, H.L., Brooks, G.R., Pyne, M., Lamontagne, M., Pugin, A.J.-M., Pullan, S.E., Cartwright, T., Douma, M., Burns, R.A., Good, R.L., Oliver, J., Motazedian, D., Khaheshi-Banab, K., Caron, R., Dion, K., Dixon, L., Duxbury, A., Folahan, I., Jones, A., Kolaj, M., Landriault, A., Muir, D., Plastow, K., Ter-Emmanuil, V., Ottawa - Gatineau Seismic Site Classification Map From Combined Geological/Geophysical Data; Commission géologique du Canada (CGC), dossier public 7067, échelle 1/80 000, 2012. doi:10.4095/291440. Disponible gratuitement au site GEOSCAN de la CGC (pdf de 194 Mb).
  • Hunter, J A; Crow, H; Brooks, G R; Pyne, M; Lamontagne, M; Pugin, A; Pullan, S E; Cartwright, T; Douma, M; Burns, R A; Good, R L; Motazedian, D; Kaheshi-Banab, K; Caron, R; Kolaj, M; Muir, D; Jones, A; Dixon, L; Plastow, G; Dion, K; Duxbury, A; Landriault, A; Ter-Emmanuil, V; Folahan, I (éd.), City of Ottawa seismic site classification map from combined geological/geophysical data, Commission géologique du Canada (CGC), dossier public 6191, échelle 1/115 000, 2009; 1 feuille. Disponible gratuitement au site GEOSCAN de la CGC (pdf de 22 Mb).
  • Ressources naturelles Canada : «Ottawa Urban Earthquake Hazard Mapping» et «La zone séismique de l'Ouest du Québec».

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