samedi 16 juillet 2011

Visite guidée de la mine de magnétite Forsyth, à Gatineau

AVERTISSEMENT. — Le site est dangereux (risques de chutes et de noyade), les clôtures qui «sécurisent» l'endroit sont parfois en très piètre état. Ne pas y aller seul, ne pas laisser les enfants sans surveillance.

Invitation un peu tardive à visiter un des sites géologiques les plus méconnus de la région, la mine de fer* Forsyth, à Hull (Gatineau), près du bien nommé chemin de la Mine.
* Magnétite (oxyde de fer), plus précisément.

Voir l'article de Mathieu Bélanger, LeDroit :

«L'archiviste en chef de l'Université d'Ottawa, Michel Prévost, offrira gratuitement, demain [dimanche 17 juillet], une visite de ce site tenu presque secret depuis des décennies. [...] Pour visiter la mine : se rendre demain à l'angle du boulevard Cité-des-Jeunes et de la rue de la Galène. La visite débutera à 14 h et se terminera à 15 h 30.»

Notez que je ne fais que relayer l'information, sous toute réserve (l'expression «se rendre demain» pouvant mener à un joli quiproquo), je n'ai participé d'aucune façon à cette initiative. Pour donner quand même une note personnelle à ce billet, voici un extrait d'un survol de l'histoire minière de la région que j'avais rédigé en 1998 pour le Club de Minéralogie de l'Outaouais.

MINE DE QUOI ?
Pour la compréhension de la carte géologique et des coupes du gisement qui suivent, précisons que le FER (ou la MAGNÉTITE, un oxyde de fer) se retrouve dans une roche nommée EULYSITE. La plupart des sources concernant la mine Forsyth se contente de résumer la situation en parlant de bandes de magnétite massive ou disséminée contenues dans le marbre. On peut donc couper court à ces subtilités en considérant de façon un peu simpliste que, sur les documents visuels qui accompagnent ce billet, eulysite et magnétite = «Fer, c'est là qu'on piochait à l'époque.»

Complément à la légende (en rouge sur la carte).
Cliquer sur la carte pour l'afficher à sa pleine grandeur.
1a : boul. de la Cité-des-Jeunes
1b : chemin de la Mine.
Note. – Le chemin Freeman (et non «Freman») correspond à l'actuel boul. des Hautes-Plaines. Correction (21 juillet 2012). – La section du chemin Freeman qui est représentée ici correspond plutôt à l'actuelle rue des Mineurs. Le boul des Hautes-Plaines débouche sur Cité-des-Jeunes 4oo m au sud de l'ancien chemin Freeman.
2 : chemin Dennison, actuelle piste no 5 du parc de la Gatineau
Les trois mines de fer (magnétite) de la zone :
A : mine Forsyth
B : mine Baldwin
C : mine Lawless
Hull = aujourd'hui Gatineau.
Le terrain dont la géologie est ici décrite appartient au parc de la Gatineau : il est interdit d'échantillonner (roches, minéraux et végétaux) à l'intérieur de ses limites.

Carte : Guilloux et al., 1972

HISTORIQUE : les mines de magnétite Forsyth et Baldwin
Texte : Henri Lessard (1998)
Le gisement de magnétite [oxyde de fer] Forsyth, à Hull [Gatineau], près de l’actuel boulevard Cité-des-Jeunes, a été découvert en 1801, lors des travaux d’arpentage qui suivirent l’établissement de Philemon Wright, par l’effet que la masse de fer avait sur les boussoles qu’elle faussait. Ce n’est qu’après que Ruggles Wright [fils de Philemon] eut vendu la propriété à la Forsyth and Company of Pennsylvania, en 1854, que de véritables travaux commencèrent. Dès la fin de cette année, quelques centaines de tonnes du minerai étaient extraites et une partie était expédiée à Pittsburg alimenter les fourneaux de la compagnie. Entre 1854 et 1860, 15 000 tonnes de minerai furent expédiées à Cleveland, en Ohio.

Un chemin privé, le futur chemin Freeman, fut tracé pour acheminer le minerai jusqu’à un embarcadère sur la rivière Gatineau. De là, il était expédié vers Kingston, par le canal Rideau, puis vers Cleveland. La mine employait une douzaine d’hommes qui pouvaient extraire jusqu’à 1300 tonnes par mois. En 1862, les activités cessent, la mine ne pouvant concurrencer la mine de Newborough, située près de canal Rideau et dont le fer pouvait être transporté à moindre frais.

La Canada Iron Mining and Manufacturing Company devient propriétaire de la mine en 1866. Elle fait ériger un haut fourneau destiné à la production de fonte à Ironside, près de l’embarcadère, en 1867. Mais, mal utilisé, il était hors d’usage l’année suivante. Le grand feu de 1870, qui ravagea la forêt depuis Breckenridge jusqu’au nord de Hull, rasa les installations d’Ironside, avec une cinquantaine de maisons où vivaient les ouvriers de la mine avec leur famille.

Après l’incendie, un groupe de six entrepreneurs des États-Unis et de la région achètent la mine et fondent la Forsyth Mining Company. Sous la direction de Alanson H. Baldwin, d’Ottawa, la compagnie acquière en 1871 des lots de la famille Pink, sur lesquels se trouve un autre gisement, plus petit, connu depuis sous le nom de mine Baldwin.

En 1872, une machine à vapeur vient aider au forage. Le travail continue à se faire en grande partie à la main (ou plutôt à la pioche). On utilisait la dynamite, tout récemment inventée (1866). L’extraction se faisait dans une tranchée à iel ouvert qui menait à un puits de 50 mètres de profondeur. Le minerai continuait à prendre la direction de Cleveland, via Kingston. Entre 1871 et 1874, la mine Forsyth produisit 35 000 tonnes de minerai, tandis que la mine Baldwin en produisait 3 000.

Une coupe et deux sections du gisement Forsyth (Guilloux et al., 1972).
Note. — L'eulysite – contours arrondis sous le sol et lentilles isolées – est le minerai de fer (magnétite) exploité. La roche encaissante est surtout du marbre.

Mais les droits de la famille Pink sur les terrains vendus par elle étaient contestables. Une action en justice, menée par John Stuart, d’Ottawa, est tranchée en 1877 en faveur de ce dernier et prive la compagnie des terrains «Pink» et donc de la mine Baldwin.

Les gisements sont abandonnés. En 1901, la Forsyth and Company remet la mine Forsyth en exploitation jusqu’en 1918. On creuse un second puits de 36 mètres par où on accédait à une galerie longue de 27 mètres. Des sondages effectués en 1958-1959 ont permis d’estimer à 4 250 000 tonnes les réserves de minerai jusqu’à une profondeur de 200 m. La teneur en fer du minerai dépasse les 50 %.

En 1976-1977, on envisagea de rouvrir la mine Forsyth, dans l’espoir de garder active une partie des installations de transformation de la mine Hilton, fermée pour cause d’épuisement du minerai [région de Shawville, à l'ouest de Gatineau].

Aujourd’hui, il ne subsiste de visible des mines Forsyth et Baldwin que des tranchées et des puits, tous condamnés. Près du sentier qui mène à la tranchée principale, à partir du boulevard Cité-des-Jeunes, se trouve un wagonnet rouillé [d'âge indéterminé]. Les rails qu'il parcourait ont disparu.

Source des illustrations
Guilloux L., Blais R.A., Coy-Yll R., 1972 — «L’origine métasédimentaire du gisement de magnétite de Forsyth, Province de Québec, Canada.» Mineralium Deposita, vol. 7, p. 154-179.

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