lundi 18 juillet 2011

Mine Forsyth : troisième billet

AVERTISSEMENT. — Le site est dangereux (risques de chutes et de noyade), les clôtures qui «sécurisent» l'endroit sont parfois en très piètre état. Ne pas y aller seul, ne pas laisser les enfants sans surveillance.

Mine Forsyth, Gatineau, 17 juillet 2011. Vestiges bien camouflés d'un bâtiment ou d'un puits. 
(X sur la Carte 1 et les Coupes du gisement, plus bas.)

Mine Forsyth, Gatineau, 17 juillet 2011. Vestiges d'un autre ouvrage, bâtiment ou puits. 
Ils avaient l'eau courante... (X sur la Carte 1 et les Coupes du gisement, plus bas.)


Complément à mes deux billets sur la mine de magnétite (fer) Forsyth, à Gatineau, suite à la visite guidée organisée par Michel Prévost, archiviste en chef de l'Université d'Ottawa et président de la Société d'histoire de l'Outaouais, le 17 juillet 2011.

MINE DE QUOI ?
Pour la compréhension des cartes géologiques et des coupes du gisement qui accompagnent ce billet, précisons que le FER (ou la MAGNÉTITE, un oxyde de fer) se retrouve dans une roche nommée EULYSITE. La plupart des sources concernant la mine Forsyth se contente de résumer la situation en parlant de bandes de magnétite massive ou disséminée contenues dans le marbre. On peut donc couper court à ces subtilités en considérant de façon un peu simpliste que, sur les documents visuels qui accompagnent ce billet, eulysite et magnétite = «Fer, c'est là qu'on piochait à l'époque.»

La Carte 1 (cliquer pour agrandir) donne un aperçu de la géologie de la mine Forsyth et la disposition de ses installations. Je n'ai pas réussi à localiser les vestiges de tous les bâtiments et ouvrages qui y figurent, en particulier l'«entrée du tunnel» (X')*. La végétation a envahi le site et les traces de l'activité humaine risquent de se faire de plus en plus discrètes. (Voir les photos qui ouvrent ce billet.)

* Ajout 19 juillet 2011. — J'ai localisé l'entrée du tunnel, pas du tout discrète, signalée au milieu du bois par la clôture grillagée qui l'entoure et les panneaux «Danger» sensés tenir éloignés les curieux. Elle se trouve à l'extrémité ouest d'une fosse remplie d'eau ; comme je l'avais déjà supposé (dans quel billet ou quel brouillon ?), elle est murée.


CARTE 1 : détail de la géologie
Guilloux, 1969
Complément à la légende
X : puits et bâtiments (voir photos qui ouvrent ce billet). 
Le premier arrêt de la visite guidée du 17 juillet s'est fait 
un peu au SW de ces ouvrages.
X' : entrée du tunnel.
L'eulysite, en noir massif, est le minerai de fer (magnétite) recherché.


Pour mieux interpréter cette première carte, voir Carte 2 et Coupe et sections plus bas (documents repris de mon billet du 16 juillet).

En examinant la Carte 1, on constate la prédominance du marbre, l'attitude conforme des différentes lithologies (direction ENE), de même que celle de l'eulysite (minerai de fer). Les «failles et zones de cisaillements» tardives ont déplacé des compartiments du socle et troublé l'alignement original des lithologies.

Le premier arrêt de la visite s'est fait un au SW des bâtiments et du puits (X). Contrairement à ce que certains participants de la visite semblent avoir conclu, s'il y a eu des travaux à cet endroit, il ne s'est pratiqué aucune extraction de minerai, sinon très peu, du moins en surface. Si je crois avoir localisé les restes des deux bâtiments, le puits a échappé à mon attention. Mais, dans le bois, harcelé par les moustiques...


CARTE 2 : géologie générale
Guilloux et al., 1972
Complément à la légende (en rouge sur la carte).
Cliquer sur la carte pour l'afficher à sa pleine grandeur.


Rectangle rouge : zone reproduite en détail sur la carte précédente.
1 : boul. de la Cité-des-Jeunes
Note. – Le chemin Freeman (et non «Freman») correspond à l'actuel boul. des Hautes-plaines
Correction (21 juillet 2012). – La section du chemin Freeman qui est représentée ici correspond en fait à l'actuelle rue des Mineurs. Le boul. des Hautes-Plaines débouche sur Cité-des-Jeunes 4oo m au sud de l'ancien chemin Freeman.
2 : chemin Dennison, actuelle piste no 5 du parc de la Gatineau
Les trois mines de fer (magnétite) du secteur :
A : mine Forsyth
B : mine Baldwin
C : mine Lawless
Hull = aujourd'hui Gatineau.
Le terrain dont la géologie est ici décrite appartient au parc de la Gatineau : il est interdit d'échantillonner (roches, minéraux et végétaux) à l'intérieur de ses limites.


ORIGINE DU GISEMENT
Quelques points pour comprendre la genèse du gisement de la mine Forsyth :

1) Le marbre a d'abord été un calcaire qui s'est déposé au fond d'une ancienne mer, il y a plus d'un milliard d'années ;

2) Conséquence des mouvements des plaques tectoniques de l'époque, le calcaire a été enfoui, plissé et métamorphisé en marbre sous l'effet de la chaleur et de la pression. Sur le terrain, on constate que le rubanement du marbre, relique des lits de calcaires primitifs, a été redressé à la verticale et suit la direction ENE de l'ensemble des lithologies ;

3) Le minerai de fer (l'eulysite) a une attitude conforme avec celle du marbre. Il a été plissé avec lui.

De tout ça, on peut conclure que le minerai s'est mis en place simultanément à la déposition du calcaire en eaux marine, ou plus tard, mais avant ou pendant l'épisode de métamorphisme et de plissement du calcaire.

Trois hypothèses ont été avancées pour expliquer la présence du gisement. Dans chacun des cas envisagés, toutes les roches en cause, roches encaissantes et minerai, les événements qui les ont formés, ont plus d'un milliard d'années.

Guilloux (1969, 1972), à qui l'on doit les études les plus complètes sur le site, suppose que le minerai provienne d'une sidérose (ou sidérite : carbonate de fer FeCO3 ) sédimentaire, déposée avec le calcaire,  métamorphisée et plissée avec lui. (Hypothèse synsédimentaire et prétectonique.)

Cependant, d'autres géologues avaient auparavant proposé que le minerai était le résultat de l'introduction de magmas, de fluides d'origine magmatique entre les couches de calcaire ou de marbre et de leur interaction avec l'encaissant. (Hypothèses post-sédimentaires et pré- ou syntectoniques.)


Mine Forsyth, Gatineau, 17 juillet 2011. Paroi nord de la carrière exploitée à ciel ouvert.
(«Carrière principale» sur la Carte 1.)


Enfin, d'un point de vue plus large, mentionnons les gisements de zinc, plomb et fer de la région de Bouchette et Maniwaki (au nord) et celui de Bryson (à l'ouest). Pour ces gisements, une origine hydrothermale est habituellement envisagée (précipitation sur un fond marin calcaire de minéraux amenés par des sources d'eaux chaudes sous-marines). (Nouvelle hypothèse synsédimentaire et prétectonique.)

Ne considérons pas non plus comme négligeables les deux autres gisements semblables à celui de la mine Forsyth dans ses environs immédiats : la mine Baldwin et la mine Lawless (à l'est de la mine Forsyth). Voir la seconde carte géologique. Plus modestes, ils ont été moins étudiés.


COUPE ET SECTIONS DU GISEMENT FORSYTH
Guilloux et al., 1972
L'eulysite – contours arrondis sous le sol et lentilles isolées –, est le minerai de fer (magnétite) exploité. La roche encaissante est surtout du marbre.
X : puits et bâtiments ; X' : entrée du tunnel : voir Carte 1. 


Références
Guilloux L., 1969 — Étude pétrogénétique et métallogénique du gisement de magnétite de Forsyth et de son enveloppe, Hull, province de Québec, Canada. Thèse de IIIe cycle, Université de Grenoble.
Guilloux L., Blais R.A., Coy-Yll R., 1972 — «L’origine métasédimentaire du gisement de magnétite de Forsyth, Province de Québec, Canada.» Mineralium Deposita, vol. 7, p. 154-179.

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