mercredi 23 février 2011

Calcaires hullois : introduction

La ville de Hull (maintenant partie de la ville de Gatineau) est trouée de carrières de calcaire* abandonnées et oubliées, souvent oblitérées par l'urbanisme.

* Datant de l'Ordovicien (488-444 millions d'années).

Je ne m'étais jamais vraiment questionné à leur propos jusqu’à ce que je me rende compte de l’influence de ces vestiges fantôme sur la configuration actuelle de la ville.

Carrières et gisements de calcaire à Aylmer et Hull (Québec) dans les années 1930. 
(Ces deux cités forment depuis 2002 la partie ouest de la ville de Gatineau.)
Source : Goudge, M.F., Limestones of Canada, Their Occurrence and Characteristics; Part III, Canada Mines Branch,
Report 755, 1935, 278 pages, with maps 756 (Montréal) and 757 (Southern Québec) in pocket ; fig. 7, p. 61.

Ces carrières étaient très nombreuses au début du XXe siècle. Les localiser, à l'aide des anciennes listes, n'est pas toujours facile. Les noms de rues ont changé, il faut parfois plusieurs allers-retours entre différents documents pour les localiser. De quoi donner le tournis.

Détail de la carte : la ville de Hull

Que reste-t-il de tangible de cette industrie ? Des espaces verts, un plan d'eau derrière un casino,parfois rien du tout...

Voilà le sujet d'une série de posts qui, je vous préviens, ne seront pas nécessairement consécutifs.

À plus tard, donc.

(Voir le billet du 29 juin 2013 et les suivants.)

dimanche 20 février 2011

Lac Beauchamp : le moulin

Lac Beauchamp : nouvelle pièce à verser au dossier.

Tiré de : Yvette Thériault, Le village de Templeton (1920/1950) et le grand Gatineau, ca 1980
Crédit photo: Archives nationales du Québec, centre régional de l'Outaouais

Moulin de l'Ottawa Silica and Sandstone Co, carrière de grès du lac Beauchamp, vers 1930.
Vue vers le nord-est (le lac serait à droite, vers l'est). Pour localiser les éléments de la photo, voir la carte datant de la même époque dans cet autre post du même blogue.

samedi 19 février 2011

Chutes Chelsea : suite antérieure

«Suite antérieure» puisque ce post nous plonge dans un passé plus lointain que les premiers consacrés dans ce blogue aux chutes Chelsea, sur la Gatineau (Québec).

Chutes Chelsea (1856), nommées ici, comme sur un certain nombre de documents d'époque, «High Falls». À ne pas confondre avec les High Falls, hautes de 58 m, sur la Lièvre, site, comme ses homonymes de Chelsea, d'un barrage érigé dans les années 1920.

Chutes Chelsea sur la Gatineau (juillet 1856). Titre original : High Falls, Gatineau River
William Augustus Austin (1829-1896)
Aquarelle avec raclage sur crayon sur papier vélin
Crédit : Bibliothèque et Archives Canada, no d'acc 1983-46-1

À comparer avec cette photo datée de 1883 que je remets en ligne ici :

Chutes Chelsea (Québec), vue depuis l'île du même nom (juillet 1883)
Crédit : William James Topley/Bibliothèque et Archives Canada/PA-009377

La présence des pitounes sur les deux œuvres suffit à elle seule à nous convaincre qu'il s'agit de scènes anciennes.

samedi 5 février 2011

Île Chelsea : suite imprévue

Quelques vieilles photos, sans commentaire de ma part.Voyez les posts précédents sur le même sujet pour prendre connaissance du contexte.

Disons simplement que mon intérêt pour cette île (en fait, la section de la Gatineau entre les barrages Farmers et Chelsea) peut s'expliquer en deux mots : proximité et inaccessibilité. (Et des affleurements rocheux passionnants.)

D'où cette remontée de la Gatineau dans le temps à l'aide de documents.

D'ailleurs, un autre post, en préparation, viendra sous peu s'ajouter à ce troisième d'une série qui, à l'origine, ne devait en compter que deux.

Cliquer sur les photos pour obtenir une image plus grande.

Chutes Chelsea (Québec), vue depuis l'île du même nom (dite aussi île Gilmour), juillet 1883. 
Les roches qui affleurent sont probablement des paragneiss.
Crédit : William James Topley/Bibliothèque et Archives Canada/PA-009377

Moulin de l'île Chelsea sur la Gatineau (Québec), juillet 1883. (Visée vers le sud-est.)
On devine les chutes(?), à gauche, au dessus du bâtiment coupé par le bord de la photo.
Crédit : William James Topley/Bibliothèque et Archives Canada/PA-027068


Construction du barrage Chelsea (Québec), 1926. (Visée vers le nord-ouest.)
Crédit : archives de la GVHS :
«NAPL Photo taken by an RCAF aircraft November 6th 1926,
Lic. Distributor Marshall Maruska Aerial Images»


Version réduite de l'image ; je vous invite plutôt à vous rendre au site de la Gatineau Valley Historical Society (GVHS) d'où elle provient pour l'examiner dans ses pleines dimensions 
(cliquer sur le numéro 1 dans la liste : «Chelsea dam») :
http://www.gvhs.ca/thenandnow/index.html

jeudi 3 février 2011

Mousses galopantes

«Galloping moss» ou «mousses galopantes»
Grand lac des Esclaves, Territoires-du-Nord-Ouest
Photo : © Wouter Bleeker (reproduite avec sa permission), 
Commission géologique du Canada
Article complet, avec d'autres photos, cliquez ici.


Je voudrais être convaincu qu'il ne s'agit pas d'un poisson d'avril hors saison.

Canular ou vérité, c'est Roger Latour, M. Flora Urbana, qui m'a signalé la chose. Qu'il soit remercié pour le moment de stupeur et d'incrédulité hilare qu'il m'a fait passer.

Des tampons de mousses rampent lentement à la surface d'un affleurement rocheux en se laissant glisser paresseusement le long de la ligne de plus grande pente. (Merci aux glaciers d'avoir au préalable poli et adouci le relief.) Le cycle quotidien du dégel et du gel, au printemps et en l'automne, est sans doute le moteur qui met en branle et entretient cette lente descente.

Durant leur migration, les ronds de verdure nettoient la surface rocheuse en assimilant les lichens et algues qui la colonisent. Ici, il s'agit d'un calcaire stromatolithique vieux de 1,9 milliards d'années, formé par des tapis de cyanobactéries (algues) accumulés dans une mer chaude et peu profonde.

La vie donne naissance à des roches et se nourrit de formes de vie prospérant à la surface de ces mêmes roches... Le cycle est bouclé. (Le terme «prospérant» est peut-être ici exagéré.)

Selon M. Bleeker, il faudrait de 10 à 20 ans après le passage «d'une  mousse» pour que la situation revienne à son état antérieur.

Certaines de ces mousses semblent avoir décroché de lignes de fracture le long desquelles elles s'étaient développées.

Commentaire laissé par un internaute sur le post d'origine :

«canaryfish commented:
[...] the mosses not only "cleaning" the rock, but actually metabolizing organisms that they stampede over to better survive in the very trying conditions of their environment?»

Pour l'identification du genre de mousse, voir l'article original (lien sous la photo.)

On m'aurait décrit le phénomène que je ne l'aurais pas cru.

J'aimerais avoir quelque chose de semblable (mais plus rapide et plus autonome) pour nettoyer mon plancher...

Ajout, 4 février 2011. Durant la rédaction de ce post, j'ai essayé, mais sans succès, de trouver un jeu de mots sur le thème «Pierre qui roule n'amasse pas mousse». Si vous avez des idées...

mercredi 2 février 2011

Île Chelsea : la revanche (2/2)

ÎLE CHELSEA : «GATINEAU COAL»

Suite et fin du «dialogue» des documents. (Voir post précédent pour la première partie.)

Expédition de l'OFNC* dans l'île Chelsea, septembre 1902 : quelques aperçus sur un site désormais interdit au public (barrage Chelsea, terrain d'Hydro-Québec).
* Il s'agit du Ottawa Field-Naturalists' Club, qui existe toujours ; j'hésite à vous le conseiller : il s'est désintéressé depuis longtemps de la géologie et ne traite plus que de la faune et de la flore.

L'auteur du compte-rendu de l'«expédition» de l'OFNC reproduit plus bas, H.M. Ami, signale la présence dans l'île Chelsea d'agrégats d'une hornblende noire brillante («jet black variety of hornblende»). Il arrivait souvent, parait-il, que des gens en rapportent des échantillons à Ottawa (peut-être à la Commission géologique du Canada, le texte ne le précise pas) pour faire examiner ce qu'ils croyaient être du... charbon ! Cette hornblende, qu'on trouvait aussi ailleurs dans la région, avait même reçu le surnom de «Gatineau coal». 

Plus exactement, on confondait sans doute cette «jet black variety of hornblende» avec le lignite, sorte de charbon, dont une variété compacte aux reflets résineux, le jais (jet, en anglais), est utilisée en joaillerie à cause du beau poli qu'elle est susceptible de prendre.

Le site de l'expédition du OFNC a été passablement modifié par la construction du barrage Chelsea (1927) au pied duquel l'île subsiste, en tout ou partie. Une carte de l'époque (Ells et Ami, 1901, voir post précédent) montre les chutes, aujourd'hui domestiquée par le barrage, entre l'île et la rive gauche de la Gatineau. Un pont, ancêtre de celui qui, à présent, est réservé au personnel d’Hydro-Québec, reliait Chelsea et l'île (à partir de l'actuel chemin Mill). La carte indique d'ailleurs bien la présence d'un moulin (Mills) sur l'île.

On peut regretter ces chambardements, à la lumière de l'article de M. Ami. Il rapporte la présence sur l'île de molybdénite, de granite à texture graphique, de hornblende fibreuse, ainsi que de marmites («pot holes») creusées dans la roche par le courant sous les chutes. Certaines de ces marmites avaient cinq pieds de profondeur. À comparer avec celles, en aval du barrage, que j’ai décrites dans une série de posts.

L'endroit est aujourd'hui propriété d'Hydro-Québec et interdit au public.

Autre source de renseignements sur l'histoire de cette partie de la Gatineau : «The Great Hydro-Electric Works on the Gatineau River: Some Views From Contemporary Engineering Journals», Up the Gatineau!, vol. 21, 1995, p. 35-44, par Jacques Lecours.


LE TEXTE
Ami, H.M., 1902 - «Field notes on the geology of the country about Chelsea, Québec.» The Ottawa Naturalist, vol. 16, p. 149-151.

Cliquez sur les images pour les agrandir.



Île Chelsea : la revanche (1/2)

LOCALISATION
Barrages Chelsea et Farmers, sur la Gatineau, au N de la ville de Gatineau (Québec).
31G/05 et 31G/12

Photo collection Jean-Louis Trudel, voir le post du 16 juillet 2008 de son blogue «Culture des futurs».
Chutes Chelsea, sur la Gatineau (Québec), vues depuis l’île Chelsea (dite aussi île Gilmour), en 1911.


Le barrage Chelsea, érigé à l'emplacement des chutes du même nom par la Gatineau Power (1927), ne laisse plus rien deviner du caractère impétueux de la rivière avant son harnachement.

Je suis conscient du paradoxe qu’il y a à déplorer la perte d’une splendeur naturelle alors que c’est peut-être précisément ce barrage qui me fournit l’électricité nécessaire à la diffusion de mes jérémiades à travers l'univers, via Internet... (Ajout de dernière minute. Voir cet autre point de vue, surprenant de la part de quelqu'un dont la propriété venait tout juste d'être submergée par la montée du niveau de la rivière, suite à la mise en service des barrages sur la Gatineau.)


TRANQUILLE GATINEAU
Même si je suis natif de la région, c'est tardivement que j'ai pris conscience que le cours de la Gatineau, qui s'apparente le plus souvent à celui d'un long fleuve tranquille, est en grande partie artificiel. C'est une rivière harnachée, et la construction de barrages à l'emplacement des principales chutes durant les années 1920 a considérablement régularisé son débit en noyant de nombreux rapides sous le plan d'eau de lacs et de réservoirs.

La situation actuelle remonte assez loin dans le temps pour avoir acquis, dans notre esprit du moins, la pérennité des choses naturelles.

«Avant les barrages, la Gatineau avait la réputation d'une rivière féroce, traître, farcie de chutes pittoresques et de dangereux rapides. Brusquement elle devint, en sa partie inférieure bordant Cantley [et Chelsea], un cours d'eau large et paisible, constituant un endroit idéal pour la récréation […], n'eût été du flottage du bois.» (Tiré de : http://www.cantley.ca/histoire.htm.)

Mais bref, je ne veux pas vous pondre une épître écologique, encore qu'il y aurait matière à...

Simplement, les documents (cartes et photos) sur la Gatineau pré-1920 sont relativement rares. Un jour, je vais réunir ceux que j'aurai pu rassembler et tenter d'en tirer quoi, je l'ignore encore, mais quelque chose. Affaire à suivre, donc.

Ajout de dernière minute. Le site de la Gatineau Valley Historical Society regorge de textes et de photos sur la Gatineau de jadis. Allez le consulter, vous en aurez pour des heures :



Chutes à Kirk's Ferry, sur la Gatineau (moins de 4 km au N de l'île Chelsea), 17 sept. 1900
Crédit : photographie attribuée à James Ballantyne/Bibliothèque et Archives Canada/PA-132303
(Document dans le domaine public, tiré du site de Bibliothèque et Archives Canada.)


Les chutes de Chelsea m'intéressent aussi dans la mesure où les barrages Chelsea et Farmers ont quelque responsabilité dans la configuration des rives de la Gatineau en aval, en particulier à l'emplacement des «marbres dissolus», le long de la rive gauche de la Gatineau, au N du pont Alonzo-Wright, marbres que j'ai décrits dans de récents posts.


DIALOGUE
Un document isolé, fut-il aussi parlant que la photo des chutes Chelsea en 1911, est réduit au monologue. Ajoutez-en un, et vous avez déjà de bonnes chance d'assister à la naissance d'une sorte de dialogue. Avec un troisième, l'échange a toutes les chances de devenir très instructif.

Voici donc, dans l'espoir d'une confrontation bavarde, deux autres pièces que j'espère éloquentes : des cartes d'époques différentes ramenées à la même échelle afin de faciliter leur comparaison. Notez que la carte géologique s'étend un peu plus au N.


Île Chelsea, 1901
Légende (adaptée)
Île Chelsea : notez l'inscription «Fall» entre l'île et la rive gauche de la Gatineau.
Bleu (noté parfois d'un A rouge) : marbre «archéen» (aujourd'hui, on dirait précambrien)
Fond rose : autres roches précambriennes (gneiss, quartzite, granite, etc.)
X (au N du pont Alonzo-Wright) : site des «marbres dissolus». [Ajout 19 févr. 2011. Secteur de l'île Marguerite, dite aussi île des Pères ou, au moins jusqu'au début du XXe s., île Wrigth. La toponymie de la région est parfois assez fluide et volatile...]
«Pont Alonzo-Wright» : anachronisme de ma part ; on disait «pont Wright», semble-t-il, à l'époque.
Carte : Elles et Ami, 1901 (détail annoté).

© Google
Île (barrage) Chelsea, situation actuelle
Même légende que carte de 1901. 
Les barrages hydroélectriques (inaugurés en 1927) ont été construits à l'emplacement des chutes Chelsea et des rapides Farmers. Notez les modifications des rives de la Gatineau et la création du réservoir au nord du barrage Chelsea. L'aspect de la rivière, entre les deux barrages, est celui d'un lac. L'île Chelsea semble avoir été coupée en deux, à moins que sa moitié N ait été submergée par les eaux du réservoirs. [Ajout, 4 février 2011. C'est vite dit, ça, «coupée en deux». Je prépare un texte plus élaboré. (Voir photo suivante.)] Une faille qui croise la Gatineau à angle droit explique les excroissance du réservoir sous la forme de deux baies symétriquement opposées. 

© Google
Ajout, 13 février 2011. 
Pour répondre brièvement à ma propre remarque (photo qui précède), qu'on me permette quelques affirmations péremptoires : la carte géologique de 1901 est probablement quelque peu schématique et entachée d'approximations ; les chutes Chelsea ne sont pas au sud de l'île (là où figure le mot «Fall»), mais bien au nord, et le barrage a, selon toute vraisemblance, été construit à leur endroit, au nord de l'île et non pas au milieu, comme je l'avais d'abord cru. En gros, on peut donc dire que l'île Chelsea d'aujourd'hui, sous le barrage, correspond à peu près à l'île Chelsea d'autrefois – pour ce qui est de ses contours, du moins. Donc, pas d'«île coupée en deux» comme je l'ai imprudemment laissé entendre. Par contre, en surface, les choses ont bien changé. Les arbres et bâtiments qui se trouvaient sur l'île avant la construction du barrage ont été rasés. Le boisé qu'on y trouve aujourd'hui est récent et date d'après le barrage. Comparez la photo satellite (Google) avec d'anciennes photos du site.


REVANCHE
La comparaison des cartes est éloquente. Les points les plus marquants sont : la modification des rives de la Gatineau et la création d'un large réservoir au N du barrage Chelsea et d'un autre, de moindre superficie, entre les deux barrages.

La disparition des chutes et des rapides est une perte que notre amnésie collective nous permet de ne pas trop ressentir.

L'île Chelsea m'a toujours attiré. Très proche, visible depuis la route 307, à porté de main, sinon de pneu, mais fermée au public (propriété d’Hydro-Québec), elle exerce sur moi l'attrait du fruit défendu.

Dans ces condition, faute de pouvoir aborder dans le sens strict du terme, je ne peux continuer à l'aborder, comme je viens d'entreprendre de le faire, que sous l'angle des documents.

C'est pour moi une sorte de revanche que je prolongerai jusqu'à mon prochain post.

Suite : une expédition dans l'île Chelsea, septembre 1902.


RÉFÉRENCE
Ells R.W., Ami H.M., 1901 - Geological map of the city of Ottawa and vicinity, Ontario and Quebec. CGC, carte 714, échelle : 1:63 360.